Marie-France Hirigoyen, une psy à l’écoute des blessures invisibles

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Ce jour ensoleillé de mars, assise sur son canapé, mains jointes sur les genoux, Marie-France Hirigoyen laisse s’installer le silence. Elle a davantage l’habitude d’écouter que de se raconter. A une vingtaine de minutes de son appartement du 5arrondissement de Paris, de l’autre côté du parc du Luxembourg, elle reçoit chaque année, depuis quarante-cinq ans, des centaines de patients dans son cabinet de psychiatre, psychanalyste, victimologue et thérapeute familiale systémique.

Des milliers d’heures consacrées à écouter les petites et grandes souffrances d’hommes et de femmes abîmés par des violences invisibles, des violences sans coups ni blessures physiques, des violences ordinaires ou massives. Elle a préféré recevoir chez elle, dans cet intérieur immaculé et lumineux, parce qu’elle passe « trop de temps » dans son cabinet, ce précieux poste d’observation des dysfonctionnements de notre société. « Je n’invente rien, je ne suis pas théoricienne, explique-t-elle. Je décris ce que je perçois à travers ce que j’entends. »

Dans le huis clos de son bureau, on lui confie ce qu’on ne dit à personne, ni à ses amis, ni à ses collègues, ni à sa famille. On s’exprime sans censure et on raconte l’inaudible. Marie-France Hirigoyen, elle, écoute. Et elle prend des notes. D’années en années, ses consultations ont nourri ses livres, des essais qui ont marqué le débat public sur les violences psychologiques et qui ont participé à leur reconnaissance juridique.

Protéger les enfants

Vingt-cinq ans après son livre pionnier sur le harcèlement moral, celle qui sonde depuis des décennies la limite entre le conflit ordinaire et la violence publie aujourd’hui Séparations avec enfants (La Découverte), un travail d’ampleur sur la souffrance des plus petits lorsque les parents se séparent. « Il ne s’agit pas de culpabiliser les parents, pose-t-elle d’emblée. Les enfants ne souffrent pas tant de la séparation que de la façon dont elle se passe. »

Dans cet ouvrage, elle applique la même méthode que dans ses précédents livres. Partant des récits d’hommes et de femmes, enfants de divorcés ou parents en cours de séparation, elle relève des points communs dans leurs histoires. C’est dès la fin des années 2000 qu’elle observe qu’une forme de violence psychologique augmente de façon inquiétante : la manipulation d’un mineur dans un contexte de séparation conflictuelle. L’un des parents, cherchant à régler des comptes avec son ex-conjoint, va tenter, parfois inconsciemment, d’instrumentaliser l’enfant pour l’amener à rejeter l’autre. « Il s’agit d’un abus émotionnel qui a des conséquences graves pour lui », explique-t-elle.

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