
La France se souvient. Zyed et Bouna mourraient tragiquement il y a vingt ans, à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Le drame avait embrasé l’ensemble des quartiers, révélé des fractures profondes et ouvert un âpre débat national sur le type de réponse à apporter : sociale ou sécuritaire ? Deux décennies plus tard, le « rien n’a changé depuis » semble dominer les débats. Pourtant, les élus de terrain que nous sommes dressent un constat plus nuancé. Des progrès indéniables ont été accomplis.
Grâce aux programmes portés par l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), des centaines de cités ont changé de visage : habitat transformé, équipements modernisés, espaces publics repensés. La concentration des moyens sur les quartiers les plus fragiles a apporté du souffle, de la considération et des ressources. Pendant près de dix-huit ans, aucune émeute majeure n’a éclaté. L’action publique, lorsqu’elle est constante et financée, peut effectivement apaiser et dynamiser les territoires.
Encore faut-il qu’elle soit proportionnelle à la hauteur des enjeux. Or, les quartiers dits prioritaires ont été mis à rude épreuve. Frappés de plein fouet par la succession de crises – aussi bien terroriste, sanitaire, inflationniste, qu’internationale –, ils concentrent désormais une pauvreté record : près d’un habitant sur deux y vit sous le seuil de pauvreté.
Ces territoires, qui abritent une grande part de la jeunesse et des travailleurs de la première ligne, devraient être au cœur de la relance économique et de l’affirmation républicaine. Ils sont au contraire victimes des coupes budgétaires. Les crédits de la politique de la ville diminuent, alors même que les besoins explosent. Fait unique dans l’histoire des émeutes urbaines, celles de 2023 n’ont donné lieu à aucune mesure visant la cohésion sociale.
Une image de relégation permanente
Ce débat n’est pas seulement d’ordre financier. Le discours national s’est indubitablement déplacé vers l’extrême droite, et les banlieues en font les frais. L’approche sécuritaire domine désormais, portée par une droite radicalisée et un Rassemblement national (RN) dont les idées imprègnent jusqu’à certains membres du bloc central.
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