mercredi, septembre 18FRANCE

une leçon d’antifascisme au XXIᵉ siècle par Antonio Scurati

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Livre. Il arrive que le métier de romancier ressemble, par certains aspects, à celui de criminologue. Antonio Scurati, auteur d’une fascinante saga romanesque sur Benito Mussolini, l’inventeur du fascisme (M, l’enfant du siècle ; M, l’homme de la providence ; M, les derniers jours de l’Europe, tous édités aux Arènes), endosse le rôle d’investigateur historique et politique pour remonter aux racines des mouvements « populistes et souverainistes ». Sont-ce les répliques du modèle mussolinien, avec des leaders « copycat » de l’ancien dictateur ? Ou bien faut-il pousser les recherches et analyses pour vérifier si l’ADN des formations d’extrême droite contemporaines est le même que celui du Parti national fasciste ?

En quelques années, Antonio Scurati – qui se revendique « antifasciste » – est devenu une vigie. Celui qui a été fait chevalier des Arts et des Lettres, en juin, veut donner à son travail une dimension pédagogique. Dans La Politique de la peur, court essai revigorant, il revient rapidement sur son parcours, archétypal selon lui de la « dernière génération des jeunes gens du siècle dernier », la dernière « à avoir reçu une formation intellectuelle, éthique et politique puisée dans le lit de l’antifascisme de ce même siècle ».

L’idée est donc de transmettre ce bagage culturel et politique. Ce que Scurati fait à travers ses livres mais aussi ses interventions publiques. Avec quelques risques non négligeables : lui et sa famille furent attaqués par la presse de droite et, au printemps, M. Scurati a été censuré par la télévision publique italienne. Dans le cadre des commémorations de la libération de l’Italie le 25 avril 1945, il devait lire un texte dénonçant l’incapacité de la droite au pouvoir, aujourd’hui, à se rallier au socle antifasciste.

La Politique de la peur est donc une autre manière pour lui de continuer cette lutte pour la démocratie et contre les tentations autoritaires. Il le dit d’ailleurs en conclusion du livre : « Nous devons reprendre la lutte (…), nous réapproprier l’histoire de la démocratie, être de nouveau partie prenante de cette histoire qui coïncide depuis toujours avec la lutte pour sa conquête. Une lutte quotidienne, interminable, inépuisable. »

« La suprématie tactique du vide »

La réflexion politique d’Antonio Scurati devient passionnante quand il dissèque la dimension populiste du fascisme et comment ces différents traits se retrouvent aujourd’hui dans plusieurs mouvements ou partis politiques en Europe et sur le continent américain. Attention : l’auteur prend toujours garde de ne pas faire l’amalgame paresseux entre les années 1930 et notre époque. Non, des partis comme Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni, la cheffe du gouvernement italien, ou le Rassemblement national (ils ne sont pas nommés, mais les lecteurs les reconnaissent aisément) ne sont pas l’équivalent des Chemises noires avec gourdin et huile de ricin. Il n’en demeure pas moins qu’il existe une « parenté » : « Il ne s’agit pas d’une lignée droite, mais d’une lignée tortueuse qui, pareille à l’érosion karstique, avance de façon souterraine pendant des décennies avant de resurgir en une descendance souvent illégitime, puisqu’elle ne permet pas de reconnaître de manière certaine et explicite Mussolini comme son origine », peut-on ainsi lire.

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