une enquête qui fait mentir les fantasmes populaires

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Livre. En Sicile, la Mafia a longtemps coexisté avec son double. Cette organisation criminelle structurée s’est développée en même temps que les discours niant jusqu’à son existence. Ses membres ont masqué leurs actes derrière un folklore construit par une production culturelle massive abordant les thèmes mafieux.

Les mythes fondateurs de Cosa Nostra se sont superposés aux rares données documentées sur ses origines, tandis que sa violence, explosant épisodiquement, a laissé derrière elle des énigmes aux pièces manquantes, nourrissant fantasmes et hypothèses complotistes, fondées ou non. La Mafia est donc un objet historique difficile à saisir sur lequel les universitaires ne se sont penchés qu’à partir des années 1980.

Dans sa passionnante Histoire de la Mafia (Fayard, 384 pages, 22,90 euros), Jean-Yves Frétigné s’en est emparé, utilisant les sources disponibles pour délimiter la trajectoire historique d’une organisation secrète. En étudiant l’ombre qu’elle a projetée sur les imaginaires et les discours politiques, l’historien plonge le lecteur dans une riche culture populaire.

Une classe de contremaîtres

Loin des mythes qui feraient remonter la Mafia au XIIIe siècle, elle est bien plutôt un produit de la modernité, apparue à la faveur des transformations sociales et économiques liées à l’Unité italienne. Lorsque le royaume d’Italie est fondé en 1861 après l’annexion des territoires gouvernés par les Bourbons dans le sud de la Péninsule et en Sicile, la vieille aristocratie agraire décline tandis que monte en puissance une classe de contremaîtres.

Avec des représentants d’autres professions en position dominante par rapport au petit peuple, ils fondent une société secrète, matrice de cette Mafia qui infiltre bientôt tous les pouvoirs insulaires, Eglise comprise. Elle joue un rôle de contrôle social et, reculant sous le fascisme, s’adapte après-guerre à la nouvelle donne démocratique et capitaliste. Avec le pouvoir politique, elle fait de l’entrisme. Avec l’Etat, elle entend négocier. Jusqu’à ce que des magistrats habités par la défense de la République commencent à l’attaquer méthodiquement à l’aube des années 1980.

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