« Tirons du drame de l’amiante des leçons pour l’avenir »

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Alors que le tribunal correctionnel de Paris a invalidé le 19 mai 2023 la demande faite par 1 800 victimes pour obtenir la tenue d’un procès pénal permettant d’identifier et de condamner les coupables de l’amiante, l’autorisation du glyphosate vient d’être prolongée de dix ans par l’Union européenne (UE). Entre le drame sanitaire de l’amiante et celui des pesticides, les points communs sont nombreux. Nous, responsables de mutuelles de santé, appelons à agir avec détermination pour le droit à la santé et la préservation de notre système de protection sociale.

Nous, mutualistes, avons agi au XXe siècle pour faire cesser l’empoisonnement des travailleurs exposés à l’amiante. Nous avons défendu les victimes pour qu’elles obtiennent réparation. La toxicité de l’amiante a été identifiée dès 1906, mais il aura fallu attendre 1997 pour qu’elle soit interdite en France. Cela représente presque un siècle de renoncements politiques vis-à-vis de publications scientifiques toujours plus nombreuses, des milliers de morts – au total plus de cent mille – et un lobbying cynique de la part d’industriels.

Aveuglement collectif

Ces derniers ont permis de faire croire qu’un usage contrôlé de ce minerai toxique était possible et en ont ainsi repoussé l’interdiction. Cette catastrophe sanitaire évitable est détaillée dans le rapport du Sénat « Le drame de l’amiante en France : comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l’avenir », publié en 2005.

Bientôt vingt ans après la publication de ce rapport, alors qu’il y est clairement écrit l’intention de « tirer des leçons pour l’avenir » du drame de l’amiante, nous lançons un appel : cessons de répéter avec les pesticides les fautes ayant causé la mort de plus de cent mille personnes intoxiquées par l’amiante.

Quelles sont les causes communes à l’origine des drames de l’amiante et des pesticides ? Tout d’abord, la fascination initiale a contribué à un aveuglement collectif. L’amiante a longtemps été présentée comme un minerai magique du fait de ses nombreuses propriétés (isolant, coupe-feu, résistant, imputrescible…). Ce même biais était présent avec les pesticides au début de leur usage massif. Comme l’écrivait [la biologiste et écologiste américaine] Rachel Carson (1907-1964) : « Les herbicides chimiques sont de jolis jouets tout neufs ; leurs effets sont spectaculaires ; ils donnent à qui les emploie l’étourdissante impression de régenter la nature. »

Autre point commun : l’absence de transparence des industriels de l’amiante et des pesticides, qui savaient que leurs produits tuent. Par exemple, « en 1943, des industriels de l’amiante confient une première étude expérimentale sur les pathologies de l’amiante à un laboratoire américain : 80 % des souris testées développent un cancer des poumons. Les résultats de cette étude resteront secrets », rappelle le rapport du Sénat.

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