« Robert Badinter aurait soutenu ce texte » sur l’aide à mourir, assure Elisabeth Badinter

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Les gardes républicains portent le cercueil de l’ancien ministre de la justice Robert Badinter lors d’une cérémonie d’hommage national en son honneur devant le ministère de la justice, sur la place Vendôme, à Paris, le 14 février 2024.

Alors que démarrent lundi les travaux de la commission spéciale chargée de préparer l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale, à compter du 27 mai, du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, la philosophe Elisabeth Badinter a tenu à assurer, dans une lettre publiée dimanche 21 avril par La Tribune, que son mari, l’ancien garde des sceaux Robert Badinter, aurait voté le texte.

Dans cette missive adressée à Olivier Falorni, le député (MoDem et Indépendants) de la Charente-Maritime, désigné au poste de rapporteur général, Mme Badinter dément l’argument des opposants du texte, qui invoquent notamment une phrase de son défunt mari prononcée le 16 septembre 2008 devant une mission sur la fin de vie à l’Assemblée nationale : « La vie, nul ne peut la retirer à autrui dans une démocratie. »

« J’ai pu constater que la parole de mon mari était utilisée, pour ne pas dire instrumentalisée, par des opposants à toute évolution législative sur ce sujet », écrit-elle, ajoutant : « Mon mari n’a jamais assimilé aide à mourir et peine de mort (…). S’il avait été parlementaire, Robert Badinter aurait soutenu ce texte. Prétendre le contraire serait une trahison de sa pensée et de sa mémoire. »

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« La conviction qu’une évolution vers une aide active à mourir était acceptable »

A propos de cette déclaration faite par Robert Badinter en 2008, la philosophe insiste : « C’était en 2008, il y a maintenant seize ans. La caractéristique d’une pensée humaine, c’est de pouvoir s’interroger, c’est de vouloir cheminer, c’est de savoir évoluer. (…) Robert Badinter était de ces hommes qui refusaient de s’enfermer dans des certitudes, a fortiori sur une question aussi complexe et sensible que celle de la fin de vie. »

Et de poursuivre : « Il vous l’avait d’ailleurs personnellement dit [Mme Badinter s’adresse à M. Falorni] lorsqu’il vous avait reçu le 10 novembre 2021 (…). Il avait redit sa position en ma présence (…) en septembre 2023. Alors que le débat parlementaire sur la fin de vie est désormais lancé, je tiens à l’affirmer fortement. (…) Mon mari s’est forgé au fil des ans la conviction qu’une évolution vers une aide active à mourir était acceptable et même souhaitable dans certaines circonstances et selon des conditions précisément définies par la loi. »

Le projet de loi ouvre, sous de strictes conditions, la possibilité d’un suicide assisté pour certains patients en fin de vie, et, quand ils sont incapables d’accomplir le geste fatal, de le faire pour eux. Le principe même de cette « aide à mourir » – terme préféré à « suicide assisté » ou « euthanasie » –, mais aussi les modalités pratiques de sa mise en œuvre, promettent d’intenses débats parlementaires.

Selon le texte présenté en conseil des ministres le 10 avril, l’aide à mourir sera réservée aux patients majeurs, nés en France ou résidant de longue date dans le pays, et en mesure d’exprimer clairement leur volonté. Le texte « exclut les maladies psychiatriques », a notamment précisé la ministre du travail, de la santé et des solidarités, Catherine Vautrin. La personne concernée devra également ressentir des souffrances, physiques ou psychologiques, intolérables et impossibles à traiter. Enfin, le « pronostic vital » devra être engagé à court ou moyen terme.

La responsabilité des soignants sera centrale. Une fois qu’un patient demandera une aide au suicide, ce sera à un médecin de se prononcer après une procédure lui laissant jusqu’à quinze jours. Il le fera seul, même s’il devra consulter un autre médecin et un infirmier. Autrement dit, ce ne sera pas une décision « collégiale », contrairement à ce qu’avait annoncé Emmanuel Macron en mars.

Le Monde

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