Pierre de Coubertin, du catholicisme à la « religion de l’athlète »

| 2 138


Sculpture de sable de Pierre de Coubertin, par Maaike Huizinga, dans le « Stade olympique de Travemuende », à Luebeck (Allemagne), le 6 juillet 2004.

La chapelle de l’Epiphanie, dans le 7e arrondissement de Paris, abrite un tableau qui en dit long sur le berceau familial de Pierre de Coubertin (1863-1937), fondateur, en 1894, du Comité international olympique (CIO) et considéré comme le père des Jeux olympiques (JO) modernes.

Dans cette œuvre intitulée Le Départ des missionnaires vers l’Asie (1868), son père, Charles Louis de Frédy de Coubertin (1822-1908), peintre sulpicien, s’y représente en compagnie du petit Pierre, âgé de 5 ans, et de sa sœur aînée, tous trois venus baiser les pieds de missionnaires s’apprêtant à partir évangéliser l’Extrême-Orient.

La famille de Coubertin baigne en effet dans un milieu royaliste et fervent catholique. Comme ses frères, Pierre est scolarisé chez les jésuites au collège Saint-Ignace de Paris (qui deviendra l’externat de la rue de Madrid), où il reçoit une éducation religieuse, mais aussi helléniste et latiniste. Il prendra néanmoins ses distances avec ce qu’il apprend sur les bancs de l’école, comme il en témoigne dans son premier ouvrage paru en 1888 (L’Education en Angleterre, Hachette). « Pierre de Coubertin y dévoile son scepticisme quant aux programmes d’études des jésuites, qui privilégiaient la religion et la littérature classique au détriment des sciences naturelles et modernes, mais aussi aux dépens de l’éducation physique et du sport », souligne Dries Vanysacker, professeur à l’université catholique de Louvain (Belgique), spécialiste des relations entre sport et religion.

Les dominicains et la devise olympique

Pierre de Coubertin se rapprochera ainsi, quelques années après sa scolarité, de la pédagogie des dominicains, qui promeuvent une certaine culture du corps. En 1891, âgé de 28 ans, il trouve notamment l’appui du frère prêcheur Henri Didon (1840-1900), un religieux féru de sport, proviseur du collège Albert-le-Grand, à Arcueil (Val-de-Marne), afin de mener à bien son projet d’organiser des compétitions sportives opposant des établissements scolaires religieux et laïques.

« Ce prêtre avait été formé au séminaire de Rondeau, à Grenoble, où étaient organisées [toutes les années bissextiles entre 1832-1906] les “Promenades olympiques”, des minicompétitions sportives inspirées des Jeux antiques. A Arcueil, Henri Didon mêle également une éducation intellectuelle à une culture corporelle et sportive, avec l’idée de réorganiser l’éducation catholique », explique Dries Vanysacker.

Outre l’influence qu’il aura sur l’ensemble de sa vie, Henri Didon inspire à Pierre de Coubertin le célèbre adage qui deviendra plus tard la devise officielle des Jeux olympiques : « Citius, altius, fortius » (« Plus vite, plus haut, plus fort »), que le prêtre aurait lancé en 1891 lors d’une compétition sportive organisée au collège Albert-le-Grand. « Pour Didon, citius faisait référence au potentiel de l’esprit et aux études intellectuelles. Altius s’appliquait à l’élévation de l’âme et au chemin vers Dieu. Enfin, fortius renvoyait au corps, façonné par le sport et par l’éducation physique », explique Dries Vanysacker.

Il vous reste 69.96% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Source link