

Kenneth Roth, 69 ans, a dirigé Human Rights Watch (HRW) pendant plus de trente ans. Ce procureur général américain, né dans l’Illinois (d’un père juif de Francfort qui a fui l’Allemagne nazie), a transformé l’organisation de défense des droits humains, basée à New York, en un efficace organe de pression. Avec ses rapports et ses enquêtes approfondies, HRW a réussi à faire plier des gouvernements et obtenu, avec d’autres ONG, en 1997, le prix Nobel de la paix pour sa contribution à la lutte contre les mines antipersonnel. Son autobiographie, Righting Wrongs. Three Decades on the Front Lines Battling Abusive Governments (« réparer les torts, trois décennies sur le front de la lutte contre les gouvernements répressifs », Allen Lane, non traduit), a été publiée en février.
Vous écrivez, en introduction de votre ouvrage, que, « même dans les situations les plus sombres, il est possible de faire la différence ». Comment HRW a-t-elle su établir des rapports de force avec des autocraties n’ayant que faire des droits humains ?
Notre raisonnement a consisté à nous concentrer sur les oppresseurs et à nous demander comment faire en sorte que les violations des droits humains dont ils étaient responsables leur soient le plus dommageable possible. Presque tous les despotes prétendent respecter les droits humains pour montrer qu’ils se soucient davantage de leur peuple que d’eux-mêmes. Quand HRW parvient à mettre en lumière le décalage entre ce prétendu respect des droits humains et la triste réalité dans un pays, la situation devient embarrassante pour le régime en place. Cela le délégitime aux yeux de son opinion publique. Aucun dirigeant, si autocrate soit-il, ne peut se maintenir au pouvoir sans l’approbation de l’opinion publique.
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