La condamnation de Nicolas Sarkozy à de la prison ferme dans l’affaire dite des « écoutes » est un séisme. C’est la première fois sous la Ve République qu’un ancien président de la République écope d’une peine aussi lourde pour des faits aussi graves – corruption et trafic d’influence – au terme d’un parcours judiciaire qui l’a conduit du tribunal correctionnel à la Cour de cassation. Son pourvoi a été rejeté, mardi 17 décembre, rendant définitive sa condamnation à trois ans d’emprisonnement dont un ferme sous bracelet électronique, assortis de trois ans d’inéligibilité.
Ce que révèle cette rocambolesque affaire qui remonte à 2014 contraste avec le niveau d’influence qu’est parvenu à entretenir, jusqu’à ces derniers jours, Nicolas Sarkozy. L’ancien chef de l’Etat qui délivre ses leçons de géopolitique sur la scène internationale est le même homme qui a utilisé une ligne téléphonique occulte enregistrée sous un faux nom – Paul Bismuth – pour dialoguer avec son ami avocat, parce qu’il craignait que la ligne officielle soit sur écoute. Celui qui se targue aujourd’hui de murmurer à l’oreille d’Emmanuel Macron est le même qui a envisagé avec ledit avocat de nouer un « pacte de corruption » avec un haut magistrat à la Cour de cassation, afin d’obtenir des informations et tenter d’influer sur un recours qu’il a formé dans l’affaire Bettencourt.
Fidèle à sa stratégie, l’ancien président de la République a, à peine sa condamnation confirmée, clamé son innocence en fustigeant « des droits de la défense bafoués » dans le cadre de « douze longues années de harcèlement judiciaire ». Mais la saisine de la Cour européenne des droits de l’homme qu’il s’apprête à lancer n’empêche pas l’exécution de sa peine. Elle le place en outre dans la situation peu enviable d’un ancien chef d’Etat qui, après avoir représenté et défendu la France, cherche, à présent, à la faire condamner.
Cerné par les affaires
A presque 70 ans, Nicolas Sarkozy est cerné par les affaires. Dans le procès portant sur les soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, qui s’ouvre en janvier, il encourt dix ans de prison et cinq ans d’inéligibilité. Le prodige politique qui a incarné, en 2007, le renouveau de la droite, celui qui est parvenu au cours de cette même élection à faire reculer le Front national est ramené à l’aspect le plus contestable de sa personnalité. Il n’est pas sûr qu’il en ait pris la pleine mesure.
Le plus grave n’est cependant pas là : avocat de formation, Nicolas Sarkozy est, de tous les responsables politiques, celui qui a le plus entremêlé le combat politique et la lutte contre le pouvoir judiciaire. Fausses pistes et non-lieux lui ont permis d’accréditer l’idée qu’il était, depuis le début de son ascension politique, ciblé par les complots (affaire Clearstream) ou victime de l’acharnement des juges (affaire Bettencourt). Les propos peu amènes qu’à peine élu président, il a tenus sur les magistrats ont accrédité l’idée qu’il ne les aimait pas et que c’était réciproque. En se posant en victime, il est parvenu à galvaniser des partisans et à entraîner la droite dans une dérive préoccupante : à LR, la justice n’a pas bonne presse et l’Etat de droit y est de moins en moins bien considéré.
Certes, les juges ne sont pas infaillibles mais contester systématiquement leur pouvoir dans la situation de grand trouble démocratique que connaît la France est problématique. Menacée d’inéligibilité dans l’affaire des assistants parlementaires européens du Front national (devenu Rassemblement national), Marine Le Pen se permet de déstabiliser la scène politique en occultant la gravité des faits qui lui sont reprochés. Les responsables politiques ne sont pas au-dessus des lois.