HISTOIRE TV – MERCREDI 6 MARS À 22 H 40 – DOCUMENTAIRE
Le 5 avril 1971, Le Nouvel Observateur publie le « Manifeste des 343 » – le nombre de femmes, célèbres ou anonymes, qui déclarent avoir avorté, une pratique passible de prison. « Qui a engrossé les 343 salopes ? », titre Charlie Hebdo le mercredi suivant. Catherine Deneuve, Agnès Varda, Marguerite Duras, Jeanne Moreau, Françoise Sagan, Delphine Seyrig, Gisèle Halimi signent le texte, contribuant à son retentissement autant qu’à une forme de protection des signataires anonymes.
La pétition rappelle qu’« un million de femmes se font avorter chaque année en France (…) dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées ». Une bombe, qui ouvre la voie à la loi Veil, quatre ans plus tard, légalisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG).
C’est l’histoire de ce geste – de cette geste – politique que racontent la réalisatrice Valérie Jourdan et la scénariste Adeline Laffitte (autrice d’un roman graphique, Le Manifeste des 343. L’histoire d’un combat, Marabout 2020). « On voulait montrer comment, malgré les querelles et les idées divergentes, ces femmes ont mené le combat et sont parvenues à rassembler suffisamment largement pour avoir un impact », explique-t-elle.
Une exaltante mise en abyme, alors que le droit à l’IVG s’apprête à faire son entrée dans la Constitution. Grâce à ce manifeste, « les femmes, les féministes et les avortées font irruption dans le débat public, jusqu’ici l’apanage des experts, et en deviennent les actrices principales », analyse l’historienne du féminisme Bibia Pavard.
Rôle longtemps éclipsé
Suivant l’ordre chronologique des événements – ce qui préserve une forme d’intrigue –, le documentaire, à l’aide d’archives de presse et télévisées, remet au premier plan ces femmes qui ont revendiqué cet acte de désobéissance civile, alors que leur rôle fut longtemps éclipsé au profit des hommes, tels Jean Moreau, à l’origine du manifeste, ou Jean Daniel, fondateur et directeur de l’hebdomadaire de référence de la gauche dans la France post-Mai 68. Ainsi de Nicole Muchnik, journaliste au Nouvel Observateur, et Anne Zelensky, militante du Mouvement de libération des femmes (MLF).
Dans un pays encore largement marqué par le poids de l’Eglise et où l’inamovible patriarcat règne sans partage, toutes témoignent de l’horreur des avortements pratiqués clandestinement par 800 000 à 1 million de femmes, chaque année. Le tout en silence. « Même mes copines ne me le disaient pas », se souvient Claudine Monteil, amie et biographe de Simone de Beauvoir.
« La rencontre de toutes ces femmes, ça s’appelait “moi aussi” [“me too”, en anglais], souligne Liliane Kandel, sociologue et membre du MLF. C’est comme ça que l’on commence un mouvement ! »
Manifeste des 343, dans les coulisses d’un scandale, documentaire d’Adeline Laffitte et Valérie Jourdan (Fr., 2021, 75 min). Disponible sur Histoire TV.
