« Limiter l’accès aux centres-villes sans solutions alternatives, c’était méconnaître l’histoire de nos banlieues »

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Rien que par son nom, zones à faibles émissions (ZFE), le dispositif, qui vise à interdire progressivement les véhicules les plus polluants, était mal engagé. D’emblée, tracer une frontière entre le centre et les quartiers populaires était un pari risqué, une rupture complète avec les principes des anciennes politiques sociales urbaines. Tous les boomeurs [raccourci de baby-boomeurs] se souviennent de l’époque où l’on incitait les familles modestes à acquérir un pavillon en banlieue avec une voiture, signes de réussite sociale. Financés par l’Etat, le diesel, les voitures et les autoroutes garantissaient l’accès rapide au centre-ville. Ce contrat social implicite assurait une répartition spatiale et sociale acceptable par tous.

Depuis, les risques de mortalité liés à la dégradation de la qualité de l’air en ville ont été documentés. Nous découvrions que les habitants des centres urbains subissaient la pollution automobile, a fortiori les familles modestes reléguées aux périphéries. Les gouvernements successifs ont légiféré pour s’attaquer au problème : la loi Lepage sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (Laure) de 1996 ; la loi Voynet de 1999 qui a lancé les plans de déplacements urbains (PDU), amplifiés par la loi Borne d’orientation des mobilités (LOM) de 2019 ; enfin, la loi Pompili de 2021, dite « Climat et résilience », instaurant les ZFE. Ces mesures, toutes portées par des femmes, ont une justification incontestable : lutter contre les pollutions, le bruit, pour la sécurité routière et le partage de l’espace public avec des modes de transport moins polluants.

Certaines agglomérations se sont saisies de cet arsenal juridique. Leurs politiques ont rarement visé l’interdiction de la circulation, mais plutôt la réduction de l’espace pour la voiture (nombre de files et de places de stationnement), ainsi que l’augmentation des amendes. Cependant, lorsque ces villes réussissent leur pari, elles en subissent un effet pervers : à cause de la valorisation du foncier due à l’amélioration de la qualité de vie, les classes populaires sont contraintes de chercher des logements abordables loin du centre (sauf dans les villes où des politiques vigoureuses de logement social sont suivies).

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