
Livre. Offrir ce petit ouvrage à un futur papa comporte le risque de se faire envoyer sur les roses. En découvrant son titre, Etre un père féministe, mission impossible ? (Textuel, 240 pages, 19,90 euros), il pourra au choix se vexer, s’indigner ou se sentir piégé. Pourtant, ce travail est d’utilité publique pour tous les parents et ceux qui aspirent à le devenir.
Evacuons d’emblée quelques quiproquos possibles. Il ne s’agit pas là d’un livre de développement personnel, ni d’une série de conseils pratiques, ni encore d’un pamphlet militant. Qu’est-ce alors ? Une exploration sociologique des freins à l’égalité parentale, et à l’avènement d’une paternité épanouie en France.
Les deux autrices, les sociologues Marine Quennehen et Myriam Chatot, commencent par déboulonner la statue érigée aux « nouveaux pères », figure médiatique récurrente depuis les années 1980. Oui, écrivent-elles, les hommes passent plus de temps qu’auparavant auprès de leurs enfants – et c’est une bonne chose pour tout le monde. Mais leur paternité n’en reste pas moins « conditionnelle » : ils ont, plus que les femmes, la possibilité de choisir leurs activités parentales. Et, comme le montrent généralement les enquêtes, ils évitent le sale boulot, « comme moucher l’enfant ou lui couper les ongles ».
Une institution « matrifocalisée »
A ces tâches de l’ordinaire les pères préfèrent des « moments privilégiés » relevant de l’exceptionnel : emmener les petits au restaurant, au parc d’attractions. Sauf, justement, lorsque leur place au sein du foyer change. Des pères interrogés pour l’enquête racontent ainsi que, une fois en congé parental, leurs « moments privilégiés » sont devenus des petits riens du quotidien : « Je vais le chercher au périscolaire (…). On repart à pied ensemble, on peut jeter des cailloux dans l’eau », décrit ainsi Robert.
C’est là l’un des aspects les plus intéressants du livre. Car il ne s’agit pas de mettre en accusation des comportements individuels, mais d’essayer de comprendre par quels mécanismes ces comportements sont favorisés, et comment ils pourraient se modifier. Tout un chapitre est ainsi consacré aux freins à l’engagement paternel. Les autrices brossent le portrait d’un univers périnatal non seulement tourné vers les mères, mais excluant vis-à-vis des pères. Maternités, cabinets de sages-femmes, crèches ou centres de protection maternelle et infantile… L’institution est « matrifocalisée », écrivent-elles, et les pères se retrouvent pris dans une injonction contradictoire : il faut qu’ils soient plus présents, mais leur présence gêne.
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