
La liberté de pensée n’est plus en sécurité sur les campus. De Columbia et Harvard jusqu’à Belgrade, l’université est prise pour cible. Mais alors que les Etats-Unis possèdent encore des tribunaux indépendants et une presse libre capables de la défendre contre les attaques du monde politique, dans un pays comme la Serbie, le tableau est tout autre.
L’université de Belgrade, qui a connu divers systèmes idéologiques et formes de gouvernement au cours de ses 217 années d’histoire, est la plus grande et la plus prestigieuse université publique des Balkans : elle accueille 100 000 étudiants et assure 40 % de la production scientifique en Serbie. Or, ce pilier historique de la modernisation de la région, de la vie civique et de la pensée critique est attaqué par le gouvernement pour avoir défendu les droits des étudiants et les principes fondamentaux de l’université. Aujourd’hui, notre institution doit se battre pour survivre.
La crise a éclaté après le tragique accident survenu, en novembre 2024, dans la ville serbe de Novi Sad : l’auvent de la gare s’est effondré et a causé la mort de 16 personnes. Dans toutes les universités publiques de Serbie, des étudiants se sont mobilisés pour exiger que justice soit faite après cette catastrophe, mais aussi pour défendre l’Etat de droit et demander des réformes institutionnelles. Leurs protestations, pacifiques et guidées par des principes, ont donné lieu à un immense mouvement de mobilisation civique : des centaines de milliers de citoyens se sont unis pour adresser un message commun à l’Etat.
L’université de Belgrade a soutenu leurs revendications – non pas pour mener un combat politique, mais pour défendre la justice et exiger des autorités serbes qu’elles assument leurs responsabilités. Cette solidarité a déclenché une avalanche de mesures de représailles.
Gifle au corps enseignant
En raison de son soutien ferme depuis plus de six mois, l’université de Belgrade fait l’objet de pressions et de mesures répressives continues. Le recteur que je suis, le vice-recteur et les doyens sont la cible d’une kyrielle de poursuites pénales et administratives. Les médias et tabloïds progouvernement diffusent des discours agressifs et violents contre l’université. Malgré les efforts et la détermination des étudiants serbes – certains ont couru ou pédalé jusqu’à Strasbourg et Bruxelles, en avril et mai, pour attirer l’attention de l’Europe sur la situation dans notre pays –, les menaces qui pèsent sur nos universités ne trouvent guère d’écho dans le débat public et les médias européens.
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