l’émergence d’une extrême droite identitaire et nationaliste corse

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Nicolas Battini, fondateur de Mossa Palatina, à Ajaccio, en Corse, le 27 juin 2024.

A l’époque où le quartier de Paese Novu a été construit, il y a plus d’un demi-siècle au sud de Bastia, ce grand ensemble à visage humain était synonyme de progrès pour nombre d’habitants d’un centre-ville encore souvent insalubre. Il y fait toujours bon vivre avec sa colline descendant en pente douce vers la mer, ses épineux qui couvrent le sol d’un tapis d’aiguilles sèches et ses lauriers roses odorants qui poussent entre les cubes de béton gris. Mais venir s’y installer aujourd’hui est le signe certain d’un déclassement social.

Paese Novu, qui compte 8 000 à 9 000 habitants, fait partie des trois quartiers prioritaires de la ville de Bastia avec Lupino, la plus grande et la plus pauvre des cités, et Montesoro. La pauvreté au soleil a beau être plus douce, elle n’en reste pas moins une potion amère, surtout en Haute-Corse, l’un des départements les plus pauvres de France, et surtout à Bastia, ville la plus pauvre de Corse.

Dans ce quartier, dominé par l’hôpital, il y a peu de lieux où se retrouver : un tabac-journaux-jeux, un café aux murs blancs et nus, un centre social municipal et une association pour les jeunes. Et c’est tout. Le terrain de sport au gazon synthétique, installé au milieu de la cité, affiche un slogan plein d’espoir : « Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends. » Il a été le théâtre, le 13 janvier, d’un rassemblement qui a fait beaucoup de bruit à Bastia et dans toute la Corse. Plusieurs centaines de personnes, essentiellement des hommes − 600 selon les organisateurs, la moitié selon des témoins locaux −, se sont rassemblées pour protester contre l’insécurité et l’immigration – ce dernier point était implicite mais clair.

Le city stade de la cité Paese Novu dans les quartiers sud de Bastia, en Corse, le 27 juin 2024.
Le city stade de la cité Paese Novu dans les quartiers sud de Bastia, en Corse, le 27 juin 2024.

A l’origine de cette démonstration de force : une rixe au couteau entre un jeune Corse et plusieurs jeunes Maghrébins à la sortie d’un cinéma dans un centre commercial de la commune voisine de Furiani. Dans les faits, le jeune Corse n’était pas de Paese Novu mais de Lupino et l’affaire, jugée depuis, a débouché sur la condamnation de tous les protagonistes, quelle que soit leur origine, à des peines de prison avec sursis.

Les liens du sang

Peu importe, Nicolas Battini, le jeune fondateur de Mossa Palatina (qui signifie « le mouvement des paladins » ou des « chevaliers », en langue corse), a réussi son coup : faire connaître son parti d’extrême droite identitaire se revendiquant du nationalisme corse. Un mélange détonnant qui n’est pas nouveau − les premiers autonomistes étaient des admirateurs du fascisme italien dans les années 1920 et le parti Forza Nova a déjà défendu des positions identiques − mais qui pourrait faire des ravages dans les années à venir étant donné la popularité des thématiques d’extrême droite en Corse.

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