le xénon à l’assaut de l’Everest

| 5 000


Un corps humain plongé brutalement dans l’air raréfié des hautes altitudes est soumis à un stress physique intense qui, sans action immédiate, conduit rapidement à la mort. Ce fait est connu depuis que, en 1875, deux aérostiers français sont morts à bord de leur ballon, le Zénith, après avoir atteint d’une traite l’altitude de 8 600 mètres. Dès la fin du XIXe siècle, des physiologistes ont exploré les effets de l’hypoxie, le manque d’oxygène dû à la diminution de la pression atmosphérique, et le remède qui permet d’éviter cette issue indésirable : l’acclimatation.

George Mallory (1886-1924) n’ignorait rien de tout cela. Le premier homme à avoir envisagé sérieusement de gravir l’Everest l’a payé de sa vie : le 8 juin 1924, les nuages se sont refermés sur sa silhouette progressant à plus de 8 200 mètres, avec son compagnon Sandy Irvine (1902-1924). Parce qu’il a pu être le premier à atteindre le sommet, son cas fascine tous ceux qui se penchent sur le mystère. Mais l’Anglais, dont le corps momifié a été retrouvé là-haut, soixante-quinze ans plus tard, nous a légué beaucoup plus qu’une énigme : ses textes intimistes, rassemblés au fil des années, sont un magnifique témoignage sur ce qu’aurait pu être la première ascension de l’Everest si seulement il avait pu revenir la raconter.

Deux ans auparavant, au printemps 1922, George Mallory fait déjà partie de l’expédition britannique qui va tenter le premier « assaut » sur l’Everest. Il marche vers le Toit du monde, parfaitement informé des effets de l’hypoxie et des expériences menées dans des caissons pour reproduire la baisse de pression subie en haute altitude : « Le rythme va souffrir, et l’esprit sera aussi dans un état déplorable, écrit-il dans Vers l’Everest (Paulsen-Guérin, 2024). Les expériences menées dans des chambres hypobares peuvent nous éclairer sur ce point. Je chéris l’histoire du professeur Haldane qui, se trouvant dans une telle chambre, a voulu observer la couleur de ses lèvres et s’est regardé pendant quelques minutes dans un miroir avant de découvrir qu’il le tenait à l’envers. » En hypoxie sévère, le cerveau ralentit avant le corps.

Il vous reste 88.71% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Source link