le procès de l’assassinat d’un Loup gris jette une lumière crue sur l’extrême droite

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Le chef du Parti d’action nationaliste (MHP, dits aussi « Loups gris »), Devlet Bahçeli, lors de la réunion du groupe de son parti à la Grande Assemblée nationale de Turquie, à Ankara, le 14 janvier 2020.

« Je ne me souviens pas », répète le prévenu, debout à la barre face à la cour. Veste de costume ajustée sur chemise blanche et barbe de trois jours, Eray Özyagci, 26 ans, est le premier à comparaître devant la 32e cour pénale d’Ankara, lundi 1er juillet, dans la grande salle d’audience de la prison de Sincan, près de la capitale turque.

Vingt-deux personnes, dont deux policiers, y sont jugées pour l’assassinat de Sinan Ates, ancien chef des Ülkü Ocakları (« Foyers idéalistes »), plus connus sous le nom de Loups gris, soit la branche paramilitaire du Parti d’action nationaliste (MHP), situé à l’extrême droite de l’échiquier politique et partenaire de coalition du Parti de la justice et du développement (AKP), la formation au pouvoir. L’universitaire de 38 ans, a été tué par balles et en plein jour, le 30 décembre 2022, alors qu’il sortait de la prière du vendredi dans le quartier de Çukurambar, à Ankara, à quelques centaines de mètres de l’ambassade des Etats-Unis.

Originaire de Bursa, l’homme avait été placé à la tête des « Foyers idéalistes » le 9 avril 2019, puis brusquement remercié un an plus tard sur fond de tensions autour de la succession de Devlet Bahçeli, le chef actuel du MHP, âgé de 76 ans. Quatre des accusés, qui occupent des fonctions au MHP et au sein des « Foyers idéalistes », sont soupçonnées d’avoir été aidés par Çaglar Zorlu, un ancien membre des services de renseignement et par Mustafa Ensar Aykal, un commissaire de police d’Ankara.

Ton parfois étonnamment décontracté

Les principaux suspects ont été entendus lors de cette première audience, très suivie dans le pays. L’assassin présumé de Sinan Ates, Eray Özyagci, et le principal instigateur du meurtre, Dogukan Çep, ont évoqué un règlement de comptes, un remboursement de dettes qui aurait mal tourné. « Je lui ai tiré dans les jambes », « Je n’ai jamais voulu le faire tuer », ont-ils répété sur un ton parfois étonnamment décontracté.

La veuve de la victime, Ayse Ates, soutenue par les partis d’opposition, dénonce quant à elle un assassinat politique impliquant la hiérarchie du MHP ainsi que ses affidés au sein de la police et de la justice. Son leader, Devlet Bahçeli, n’a jamais transmis de condoléances officielles à la famille endeuillée, renforçant les soupçons de connivences avec les commanditaires.

Régulièrement menacée sur les réseaux sociaux, Ayse Ates s’est présentée à l’audience escortée de cinq policiers et accompagnée par Özgür Özel, le chef du parti kémaliste, le Parti républicain du peuple (CHP, centre gauche). A la suite de la publication de l’acte d’accusation en avril, la veuve a dénoncé un document lacunaire. « Il est totalement vide. (…) Il n’y a même pas ma déposition », s’est-elle indignée dans tous les médias d’opposition. Convaincue qu’elle n’obtiendrait pas d’aide auprès du MHP, elle a frappé à la porte de tous les partis d’opposition, y compris à celle des ennemis de toujours comme le CHP.

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