

Le photojournaliste français Antoni Lallican, 37 ans, a été tué, vendredi 3 octobre au matin dans une attaque de drone dans le Donbass, dans l’est de l’Ukraine, lors de laquelle un journaliste ukrainien, George Ivanchenko, a également été blessé.
Antoni Lallican a été « victime d’une attaque de drones russes », a dénoncé Emmanuel Macron sur X. Le président français a adressé ses « condoléances émues à sa famille, à ses proches, ainsi qu’à tous ses confrères qui, au péril de leur vie, nous informent et témoignent de la réalité de la guerre ».
Le photojournaliste a été « tué aujourd’hui par un drone russe près de Droujkivka [dans la région de Donetsk], malgré l’inscription “presse” sur son gilet », a de son côté assuré le ministre des affaires étrangères ukrainien, Andrii Sybiha. « La Russie continue de délibérément cibler les journalistes (…). Nous ferons tout pour que les responsables répondent de leurs actes. Le courage dont Antoni a fait preuve en informant le monde sur l’agression russe ne sera jamais oublié », a-t-il ajouté.
Selon les autorités ukrainiennes, Antoni Lallican faisait partie d’un groupe de journalistes qui accompagnaient une unité de la 4e brigade blindée ukrainienne près de la localité de Droujkivka, dans la région orientale de Donetsk, située à une vingtaine de kilomètres du front.
La 4e brigade a également affirmé qu’un drone russe était en cause. Antoni Lallican « a été tué à la suite d’une frappe ciblée d’un drone FPV [First Person View] ennemi », a-t-elle écrit sur Facebook. « Les deux journalistes portaient un équipement de protection individuelle » et sur leurs gilets « il y avait des signes de reconnaissance − l’inscription “presse” − », selon la même source.
Ils circulaient « dans une voiture identifiée presse quand ils ont été atteints », d’après l’ONG Reporters sans frontières (RSF), qui a demandé « une enquête rapide sur les circonstances de la mort d’Antoni Lallican, en lien avec le parquet français ».
De même, les Fédérations européenne et internationale des journalistes ainsi que le Syndicat national des journalistes (SNJ) « condamnent ce crime de guerre et appellent les autorités à ouvrir une enquête afin d’identifier les responsables », ont-ils indiqué dans des communiqués. « C’est la première fois qu’un journaliste est tué par un drone en Ukraine », ont souligné ces organisations.
Collaborateur du « Monde »
Le nombre des journalistes tués en Ukraine depuis le début de la guerre en février 2022 varie en fonction des sources citées. Selon l’Unesco, 22 journalistes ont péri dans l’exercice de leur métier, 17 d’après le SNJ. Les autorités ukrainiennes ont donné des chiffres variables.
« La mort d’Antoni Lallican porte à 14 le nombre de reporters tués depuis l’invasion russe à grande échelle de l’Ukraine en 2022, dont quatre avaient la nationalité française », a pour sa part relevé RSF. Parmi eux, le coordinateur vidéo de l’Agence France-Presse (AFP) en Ukraine, Arman Soldin, tué en mai 2023.
Antoni Lallican travaillait pour plusieurs médias français. Il collaborait notamment avec Le Monde en Ukraine, depuis le début du conflit en février 2022, et en Syrie. Il a également collaboré avec Le Figaro, Libération, Paris Match…, ainsi qu’avec des médias étrangers (Der Spiegel, Die Welt, Le Temps…).
Voici trois des reportages qu’il a réalisés pour Le Monde :
Antoni Lallican était employé depuis 2018 par l’agence Hans Lucas, mais pas pour cette mission, d’après son président Wilfrid Estève. « Il allait régulièrement en Ukraine, connaissait très bien le terrain et savait comment œuvrer », a déclaré à l’Agence France-Presse M. Estève, évoquant un collègue « adorable, le cœur sur la main ».
« Dès le mois de mars 2022, il documentait le siège de Kiev et n’a cessé, depuis, de témoigner de la réalité de la guerre et de ses conséquences sur les populations civiles. Comme nombreux de ses collègues, il était détenteur d’une carte de presse ukrainienne », a souligné l’agence Hans Lucas sur Instagram.
Les fédérations EFJ-Ifj et le SNJ ont indiqué qu’il avait « commencé un travail à long terme aux côtés des habitants du bassin minier du Donbass ». « En janvier, il a remporté le prix Victor Hugo 2024 de la photographie engagée pour son reportage saisissant “Soudain, le ciel s’est assombri”, consacré à la guerre en Ukraine », a ajouté le syndicat.
Se disant intéressé par les « problématiques sociales et sociétales des zones de conflit », le trentenaire, basé à Paris, s’était aussi rendu cette année en Syrie, et auparavant au Liban, en Haïti, en Inde, en Israël et en Palestine, et encore à Hongkong. En France, il avait fait des reportages et mené un travail documentaire sur le mal-logement en région parisienne, la protection de l’enfance en milieu rural, la crise du Covid-19 ou le mouvement des « gilets jaunes ».