Le financement de la défense est le combat de tous

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Après les discours, les travaux pratiques. D’abord sonnée par le lâchage des Etats-Unis depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et son alignement sur les positions russes, l’Europe s’est ressaisie, a clairement choisi le camp de l’Ukraine et compris qu’il lui fallait faire un effort majeur pour se réarmer et assurer sa défense. Ce tournant salutaire doit cependant être financé : un tel effort de défense, à mener dans l’urgence, implique des dépenses colossales. Nous y sommes.

La question du financement se pose d’abord au niveau national. Laborieusement parvenus, pour la plupart d’entre eux en 2024, à consacrer 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) aux dépenses de défense, les Européens membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) réalisent qu’il leur faut viser au minimum 3 %, plus probablement 3,5 % dans les plus brefs délais pour faire face à une menace russe croissante.

Les pays les plus exposés, dans le nord et l’est de l’Union européenne (UE), ont déjà intégré ce calcul, parfois au prix de sacrifices budgétaires que les pays les plus éloignés de la menace, en particulier dans le sud de l’Europe, ont du mal à envisager.

Emmanuel Macron (au centre) et Andrej Plenkovic, premier ministre croate, au Conseil européen, à Bruxelles, jeudi 20 mars 2025.

D’autres pays sont conscients du danger de la situation actuelle et prêts à prendre les mesures qui s’imposent, mais ils souffrent de finances publiques très dégradées et d’un niveau d’endettement déjà maximal. C’est le cas de la France. Ceux-là sont évidemment les plus demandeurs de facilités de financement européennes.

L’Allemagne, elle, avait pris beaucoup de retard mais a fait un pas de géant grâce à un vote du Parlement, mardi 18 mars, qui autorise le probable futur chancelier Friedrich Merz et sa coalition gouvernementale à lever le « frein de la dette » pour les dépenses de défense, débloquant un « bazooka » de centaines de milliards d’euros pour les investissements dans les infrastructures.

L’idée fait son chemin

Jeudi 20 mars, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE ont approuvé les grands principes du plan de la Commission Réarmer l’Europe, qui prévoit d’emprunter 150 milliards d’euros à prêter aux Etats membres pour la défense. La Commission pourrait aussi exonérer les dépenses militaires des critères de Maastricht, ce qui, calcule Bruxelles, permettrait de mobiliser jusqu’à 650 milliards d’euros.

Cela, pourtant, risque fort de ne pas suffire et la boîte à outils européenne est limitée. Plusieurs pays, la France en tête, prônent donc une solution du même type que celle qui a sauvé les économies européennes pendant la crise du Covid-19 : un emprunt commun contracté par la Commission. Emmanuel Macron a encore plaidé jeudi pour un tel emprunt, justifié à ses yeux par le « mur d’investissements » qui se dresse devant les Européens sur la défense, les technologies et le changement climatique.

L’idée fait son chemin, y compris parmi certains Etats et partis réputés « frugaux » mais que l’accélération des tensions géopolitiques a fait changer d’avis. Le chancelier allemand sortant, Olaf Scholz, notamment, y était radicalement opposé ; la France place plus d’espoir dans son successeur.

L’affaire, cependant, n’est pas gagnée. Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, veut d’abord rembourser le plan de relance post-Covid-19, dont les échéances devraient représenter, à compter de 2028, de 15 % à 20 % du budget communautaire annuel. Le débat est lancé et c’est positif. Mais la France aura plus de chances de convaincre ses partenaires récalcitrants si elle fait preuve de lucidité et de responsabilité dans la gestion de ses finances et dans ses choix budgétaires. Ce combat national est celui de tous.

Le Monde

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