le comité Palestine, une génération de militants spontanée et hétéroclite

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Occupation d’une rue devant le bâtiment de de Sciences Po en soutien aux Palestiniens de Gaza, à Paris, le 26 avril 2024.

Quand est-ce que tout cela a donc commencé ? Cela : la « chienlit islamo-gauchiste » à Sciences Po pour les uns, la « mobilisation en faveur de Gaza » dans le temple des futures élites politiques de la République pour les autres. Etait-ce le 12 mars, lorsqu’une étudiante de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) se serait vue refuser l’accès à l’amphithéâtre Boutmy, occupé par des étudiants du comité Palestine, en étant accusée d’être « une sioniste » selon certains témoins ? L’affaire, qui a donné lieu à une enquête interne en cours et à un signalement au procureur de la République, a provoqué une vive condamnation d’Emmanuel Macron et la venue de Gabriel Attal au conseil d’administration de l’Institut d’études politiques de Paris afin de tancer une direction jugée trop permissive vis-à-vis de l’antisémitisme. Depuis, Sciences Po est dans la tourmente, accusé d’être devenu un temple du « wokisme ».

Mais en fait, le feu couvait depuis plus longtemps. Dès l’automne 2023, un lourd malaise s’est emparé de Science Po. La plupart des étudiants mobilisés pour la Palestine font remonter leur engagement au long silence observé par la direction de l’établissement, alors dirigé par Mathias Vicherat, démissionnaire le 13 mars à la suite de sa mise en examen pour violences conjugales. Ils dénoncent une préférence pour les victimes israéliennes, qui les a poussés à s’engager tandis que progressait l’offensive à Gaza.

Alors qu’une minute de silence est organisée la semaine suivant le 7 octobre 2023 pour les victimes israéliennes, Khaled (tous les étudiants interviewés n’ont pas souhaité donner leur nom), Palestinien originaire de Ramallah venu étudier pour une année dans le master « Advanced Global Studies » de Sciences Po, se souvient d’avoir réclamé la même chose pour les Gazaouis, sans succès. Quelque temps plus tard, un camarade israélien lui demande s’il a reçu un e-mail « de soutien ». « Pourquoi, toi tu en as reçu un ? » demande Khaled. Oui, ainsi que les autres ressortissants israéliens du campus. « J’ai fait un mail [à la direction] pour demander des explications », rapporte le jeune homme. L’école se confond en excuses, « mais un peu tard », selon lui.

« Comme si c’était un non-sujet »

« Nous avons eu droit à des conférences sur l’antisémitisme, sur la réconciliation entre les religions avec un prêtre, un imam et un rabbin, sur le dialogue judéo-arabe avec Delphine Horvilleur et Kamel Daoud, mais sur la Palestine, absolument rien, comme si c’était un non-sujet », déplorent plusieurs élèves du comité Palestine de première et deuxième années rencontrés par Le Monde. Ce silence, qu’ils interprètent comme un deux poids deux mesures de la direction de Sciences Po, est pour eux le reflet de la diplomatie déséquilibrée du gouvernement français. Il est à l’origine de leur mobilisation depuis le mois de novembre 2023.

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