
C’est l’automne et les jours raccourcissent tellement que la nuit est en passe de rattraper notre période de veille. L’aube coïncide désormais plus ou moins avec l’heure du lever de nombreux citoyens, qui se pressent ensuite avec un bel ensemble vers leurs activités journalières dans un demi-jour embrumé.
Du point de vue d’un habitant d’une autre planète, ce pic d’activité des villes humaines au matin, fait de bus et de métros bondés, de cohortes de passants et de cyclistes, de bouchons aussi, doit sembler d’autant plus étrange que lui succède un calme relatif, avant qu’aux heures déclinantes, ce soit reparti pour un tour et quelques quarts d’heures d’agitation. Or, cette interrogation extraterrestre sur l’espèce industrieuse et étrange qui peuple nos villes est actuellement celle des scientifiques qui observent la nature, et notoirement le comportement des cigales.
Au départ, il y a un ingénieur indien, qui s’adonne en amateur à l’observation de la nature et s’intéresse au chant des cigales Platypleura capitata de sa région. Ses enregistrements montrent que ces dernières, tout comme les moines en leurs abbayes, saluent la disparition du jour et son retour en unissant leurs chants, pendant dix minutes environ, d’une façon exceptionnellement synchronisée.
Une décision collective
Ces laudes et complies entomiques semblent si remarquables à notre ingénieur qu’il contacte un biophysicien de Cambridge, spécialiste des cigales. A lire l’article qui résulte de cette collaboration internationale, il frappe manifestement à la bonne porte, puisqu’une analyse statistique impeccable du phénomène y est présentée. Elle apporte la preuve qu’à l’inverse des citadins au réveil (qui ne se concertent tout de même pas pour se retrouver tous dans la rue en même temps !), un phénomène de décision collective est à l’œuvre ici, qui vient renforcer un déclenchement autogène.
Tout d’abord, les chercheurs font face à un problème d’extraction du signal pertinent, car les bandes audio ont évidemment capté tous les bruits de la forêt. Après filtrage, le chant des cigales est isolé, et son amplitude peut être suivie au cours du temps sans ambiguïté.
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