
Soigneusement entretenu par le Kremlin, le souvenir de la seconde guerre mondiale, désignée comme la « Grande Guerre patriotique », n’a jamais disparu de la conscience collective des Russes. Et lorsque l’invasion de l’Ukraine a commencé, ce mythe fondateur – un mythe derrière lequel, rappelons-le, il y a la mort bien réelle de plus de vingt millions d’êtres humains – a fourni aux auteurs se présentant comme « patriotes » un vaste arsenal de modèles et de références.
Comme la propagande visuelle, qui puise dans l’imagerie héritée de l’ancienne guerre, la littérature d’aujourd’hui joue un rôle important dans ce dispositif. Elle recourt volontiers aux recettes élaborées il y a plus de quatre-vingts ans pour ce qu’on appelle la « prose de lieutenants », ces œuvres fondées sur l’expérience militaire des auteurs, qui se sont multipliées à la fin du conflit.
En fait, cette réappropriation ne date pas de 2022, mais déjà de 2014, au moment de l’annexion de la Crimée et du début de l’invasion russe dans le Donbass. L’offensive, depuis, se déroule également sur le plan culturel : aussi bien la poésie que la prose sont mises à contribution, même si leurs rôles ne sont pas identiques. La poésie célèbre la grandeur des guerriers. La prose a pour objectif de développer la version du Kremlin des événements en cours, d’entretenir chez les gens la conviction d’assister à un juste combat.
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