La mort en prison du Russe Alexandre Demidenko, qui aidait les Ukrainiens à rentrer chez eux

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Alexandre Demidenko en 2017. Capture d’écran de sa photo de profil sur le réseau social russe VK.

En deux années de guerre, Alexandre Demidenko est réputé avoir aidé quelque 900 réfugiés ukrainiens à regagner leur pays. Désormais, c’est au tour de sa famille de solliciter, sur Internet, du secours – pour payer ses funérailles. La mort en prison de cet homme de 61 ans remonterait au 5 avril, mais son avocat n’en a eu connaissance que trois jours plus tard, au moment de lui rendre visite. L’administration pénitentiaire russe évoque un suicide.

Alexandre Demidenko était un bénévole bien connu de la ville de Belgorod, voisine de l’Ukraine, et un opposant affiché à l’« opération militaire spéciale » lancée par Vladimir Poutine en février 2022. Il accueillait chez lui des familles chassées par les combats, avant de les guider vers le poste-frontière de Kolotilovka-Pokrovka, le seul ouvert entre la Russie et l’Ukraine, où les ressortissants ukrainiens désireux de quitter la Russie sont soumis au bon vouloir du FSB, qui voit dans cette seule volonté une démarche hautement suspecte.

C’est précisément aux abords de ce point de passage que Demidenko avait été arrêté, le 17 octobre 2023, alors qu’il apportait une civière à une réfugiée malade. L’homme avait d’abord disparu trois jours, avant d’être formellement inculpé et placé en détention provisoire pour consommation d’alcool sur la voie publique. Dix jours plus tard, à l’occasion d’une perquisition menée chez lui en sa présence, sa femme avait pu constater – et photographier – des signes de tortures, à commencer par un dos et des côtes constellés d’ecchymoses.

Acharnement

C’est la dernière fois que sa famille a pu le voir : depuis octobre, il était privé de parloirs et de livres, l’un des moyens de pression utilisés contre les prévenus en Russie. Il avait par la suite été inculpé de détention illégale d’explosifs – selon lui et sa femme, une grenade de la seconde guerre mondiale trouvée dans leur jardin.

Ses proches expliquent l’acharnement contre le volontaire non seulement par son opposition ouverte à la guerre, mais aussi par le fait que son activité gênait le racket et la corruption pratiqués au poste-frontière de Kolotilovka-Pokrovka. Alexandre Demidenko n’est toutefois pas le seul bénévole actif dans le soutien aux réfugiés visé. Certains réseaux aidant les Ukrainiens à quitter la Russie, ou à y survivre, doivent désormais opérer dans la clandestinité.

A Belgorod même, une autre volontaire connue, Nadine Geisler, 28 ans, a été arrêtée le 1er février, accusée d’« appels à l’extrémisme ». Entre autres moyens de pression connus utilisés contre elle, la jeune femme reçoit chaque début de mois trente litres d’eau de donateurs mystérieux – ce qui lui interdit de recevoir tout autre colis. Elle aussi dit avoir peur pour sa vie.

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