La loi Attal sur la justice des mineurs en grande partie censurée par le Conseil constitutionnel

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Gabriel Attal, à l’Elysée, le 23 août 2024.

Le Conseil constitutionnel a censuré, jeudi 19 juin, six articles-clés de la proposition de loi de Gabriel Attal pour durcir la justice des mineurs adoptée mi-mai par le Parlement, dont celui visant à ne plus appliquer l’atténuation des peines pour les mineurs, estimant dans sa décision qu’ils « contrevenaient aux exigences en matière de justice des mineurs ». Parmi les cinq autres articles censurés totalement ou partiellement figurent notamment celui créant une procédure de comparution immédiate pour les jeunes récidivistes à partir de 16 ans et une autre créant une procédure d’audience unique.

« Le moyen le plus sûr de ne risquer aucune censure, c’est de ne rien faire », a réagi Gabriel Attal dans un communiqué cosigné avec le rapporteur du texte, le député Jean Terlier, et publié dans la foulée de la décision. « Nous refuserons toujours le défaitisme et l’immobilisme. Nous n’abandonnerons jamais notre combat pour la jeunesse et l’apaisement de notre société », a ajouté le chef de file du parti présidentiel Renaissance, précisant travailler dès aujourd’hui à l’écriture d’un « nouveau texte » tenant compte de la décision.

L’institution de la rue de Montpensier avait été saisie par des parlementaires socialistes, écologistes et « insoumis » qui estimaient que de nombreux articles de cette loi portée par le chef des députés macronistes à l’Assemblée et soutenue par le ministre de la justice, Gérald Darmanin, étaient contraires aux principes de la justice des mineurs en France. Ils lui demandaient notamment de censurer l’article inversant le principe de « l’excuse de minorité », selon laquelle un mineur est sanctionné moins sévèrement qu’un majeur.

Primauté de l’éducation sur la répression

Dans les deux chambres, l’ensemble de la gauche s’est opposé au texte, s’indignant, à l’unisson des professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse, de mesures qui remettent en cause, selon elle, le principe même de la justice des mineurs, à savoir la primauté de l’éducation sur la répression. La décision du Conseil « est un rappel fort : la justice des mineurs n’est pas celle des adultes ! », s’est réjoui le député « insoumis » Ugo Bernalicis sur X.

Le texte adopté prévoyait que l’atténuation des peines pour des mineurs de plus de 16 ans pour les cas de récidive punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement ne soit plus la règle, mais l’exception. Il appartenait dans ce cas au juge de motiver l’atténuation de la peine. Pour le Conseil, l’article méconnaît « le principe de l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, qui est une exigence constitutionnelle ».

Autres mesures phares censurées, la création d’une procédure de comparution immédiate pour les jeunes récidivistes à partir de 16 ans et d’une procédure d’audience unique. Pour la première, le Conseil constitutionnel a estimé que cette nouvelle disposition contrevenait aux principes fondamentaux de la justice des mineurs, en ce qu’ils exigent « la mise en place de procédures appropriées à la recherche du relèvement éducatif et moral ».

Il s’agit là d’un principe constitutionnel inspiré de l’ordonnance de 1945 fixant les règles de procédure pénale spécifiques aux mineurs en France, et souvent invoquée dans l’Hémicycle par les députés de gauche lors des débats : la primauté de l’éducatif sur le répressif. Pour Gabriel Attal, « le Conseil constitutionnel n’a pas censuré le principe mais les modalités, et donné les éléments qui permettraient de rendre la mesure constitutionnelle ».

Aggravation des peines pour les parents

En revanche, le Conseil a déclaré conformes plusieurs articles, dont celui créant une circonstance aggravante des peines réprimant le délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales, lorsque celle-ci a directement conduit l’enfant mineur à commettre un crime ou d’un délit. « La décision valide un bloc particulièrement important du texte concernant la responsabilité parentale en matière de délinquance des mineurs », s’est ainsi félicité M. Attal.

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Sortie indemne d’un parcours législatif chaotique de près de deux ans, la proposition de loi avait été adoptée par le Parlement le 19 mai, alors même que l’examen du texte avait été marqué par plusieurs camouflets, et ce, dans les deux chambres.

A l’Assemblée, des mesures phares avaient été supprimées en commission, avant de renaître en séance publique. Même scénario au Sénat, où le rapporteur Francis Szpiner, membre des Républicains alliés à Renaissance dans la coalition gouvernementale, avait exprimé un regard plus que critique sur ce texte, craignant « une loi de circonstance » écrite « sous le coup de l’émotion », « inutile » et « inapplicable ».

Mais l’alliance gouvernementale s’était démenée pour sauver l’initiative et préserver l’essentiel des mesures-clés, grâce notamment à la mobilisation du garde des sceaux, Gérald Darmanin.

Le Monde avec AFP

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