
La cour d’appel de Paris a ordonné mardi 8 juillet qu’une Française de retour de Syrie, Sonia Mejri, soit jugée pour génocide par la cour d’assises spéciale, suspectée d’avoir réduit en esclavage une adolescente yézidie au printemps 2015, a appris l’Agence France-Presse (AFP) mardi de source judiciaire.
« La chambre de l’instruction a finalement ordonné la mise en accusation de Mme Mejri du chef de génocide. Nous déplorons cette décision incohérente et allons évaluer, dès que nous aurons reçu l’arrêt, l’opportunité de faire ou non un nouveau pourvoi en cassation » a commenté auprès de l’AFP Me Marceau Perdereau, qui défend Sonia Mejri avec Me Nabil Boudi. « Mme Mejri conteste toujours fermement avoir participé au génocide des yézidis. Si elle devait être jugée pour cela, elle s’en défendrait avec force lors du procès », a ajouté Me Perdereau.
Avec cette décision, Sonia Mejri doit comparaître devant la cour d’assises spécialement composée en matière de terrorisme pour le crime de génocide, en plus d’autres infractions terroristes et de complicité de crimes contre l’humanité, déjà actées précédemment.
Un juge d’instruction antiterroriste du tribunal de Paris avait fait, en septembre 2024, de Mme Mejri, 36 ans, ex-épouse d’Abelnasser Benyoucef, un émir du groupe Etat islamique (EI), la première revenante française de Syrie à comparaître en France pour génocide sur les yézidis, minorité ethno-religieuse kurdophone.
Procès par défaut
Elle avait également ordonné un procès pour les autres infractions déjà évoquées. Mais la cour d’appel de Paris avait infirmé cette décision en janvier s’agissant du crime de génocide. En mai, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait cassé cet arrêt, estimant que l’on pouvait être poursuivi pour génocide si l’on s’en était pris à un seul membre d’un groupe faisant l’objet d’« un plan concerté tendant à sa destruction totale ou partielle », et non nécessairement à plusieurs, comme le soutenait la cour d’appel de Paris.
La plus haute juridiction judiciaire a donc renvoyé le dossier devant cette dernière, qui a examiné le 17 juin ces seules poursuites pour génocide. Les violences sexuelles ont été utilisées par les djihadistes de l’EI comme des armes pour briser la résistance des yézidis et instaurer un climat de peur généralisé. En atteste, notamment, l’instauration de marchés aux esclaves sexuelles.
Sonia Mejri a contesté toute infraction liée à la jeune yézidie : son ex-mari en était le « propriétaire », avait-elle déclaré au cours de l’enquête, et elle n’avait « aucun droit » sur elle. Un procès par défaut a été ordonné contre Abdelnasser Benyoucef comme auteur de génocide et de crimes contre l’humanité et pour des infractions terroristes. Visé par un mandat d’arrêt, il est présumé mort depuis 2016.
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