
Depuis octobre 2024, cinq prisonniers ont été tués en France par leur codétenu, dans d’horribles circonstances. Parmi eux, un jeune homme, incarcéré aux Baumettes [à Marseille], terrorisé par son compagnon de cellule qu’il disait « fou ». Il a parlé, crié, il a écrit, appelé à l’interphone. En vain. Dans une question au gouvernement, la sénatrice [Les Républicains des Bouches-du-Rhône] Valérie Boyer a retracé la scène : « Son bourreau s’est servi d’un bol cassé pour le tuer, jusqu’à pratiquement le décapiter. » Le garde des sceaux lui a fait répondre : « Les deux procédures, judiciaire et administrative, sont toujours en cours. Dès lors, vous le savez bien, je ne peux pas m’exprimer sur l’affaire. Lorsque les conclusions de ces procédures seront rendues, M. le garde des sceaux Gérald Darmanin en tirera toutes les conséquences et prendra, le cas échéant, les mesures qui s’imposent pour qu’un tel drame ne se reproduise pas. »
Sauf que, depuis, « un tel drame » s’est reproduit quatre fois. A Poitiers-Vivonne [en juin], à Bois-d’Arcy [dans les Yvelines, en mai], à Aix-Luynes [dans les Bouches-du-Rhône, en février], à Rennes-Vezin [en juin], où un homme souffrant d’incontinence fécale a succombé sous les coups de son codétenu, qui « ne supportait pas son odeur ».
La répétition de « tels drames » n’a inspiré au gouvernement ni déclarations ni condoléances publiques. Non, au cours de l’année, l’indignation du ministre de la justice a visé bien d’autres sujets : des soins du visage prétendument dispensés aux détenus à Toulouse-Seysses – ce qui était faux –, une table de massage à la prison de Nîmes, qui lui a fait faire demi-tour juste avant sa visite, puis qui l’a conduit à interdire « les activités ludiques » pourtant inscrites dans la loi, oubliant leurs vertus de réinsertion ; interdictions heureusement démenties par le Conseil d’Etat.
Quant à l’évasion d’un détenu – vite repris – lors d’une permission de sortie collective à Rennes-Vezin [en novembre], elle a causé le renvoi expéditif du directeur de la prison. Et, dans la foulée, [à Dijon], deux autres évasions « à l’ancienne », une scie pour les barreaux, des draps pour grimper sur le toit, devraient faire réfléchir au temps compté des surveillants, au sureffectif alarmant de résidents en cellules et au sous-effectif du personnel. Il manque 4 000 à 5 000 surveillants et 1 000 conseillers d’insertion et de probation. Le tout transforme en enfer la vie des cellules et des coursives.
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