

« Je n’ai jamais voulu violer cette dame » : face à une Gisèle Pelicot déterminée à « aller jusqu’au bout », le seul des accusés à avoir maintenu son appel dans la retentissante affaire des viols de Mazan a réitéré sa position, lundi 6 octobre, à l’ouverture de son procès à Nîmes.
Après une courte prise de parole d’Husamettin Dogan, plusieurs experts ont tenté de disséquer la personnalité de cet ex-ouvrier de 44 ans qui comparaît libre notamment pour raisons de santé, décrivant un homme avec une forte « dimension addictive » au sexe, mais sans altération du discernement. « Je n’ai jamais su qu’elle était droguée, il ne m’a jamais dit ça son mari », a assuré, dans un français parfois hésitant, l’accusé, né en Turquie et arrivé dans son enfance en France.
« Vous l’avez pénétrée mais personne ne vous a dit qu’elle était inconsciente ? », l’interroge le président de la cour d’assises d’appel du Gard, Christian Pasta. « Je l’ai appris en garde à vue », assure l’accusé, arrivé dans la salle d’audience le visage dissimulé par une casquette, un masque et des lunettes de soleil et s’appuyant sur une béquille.
A l’inverse, Gisèle Pelicot est entrée et ressortie du palais de justice sous les applaudissements, souriante dans une veste rose et soutenue par Florian, l’un de ses fils. Elle dont la parole est attendue mercredi est restée impassible face à ces premières déclarations.
L’accusé souffre d’une « faille narcissique »
Condamné en première instance à neuf ans de prison, Husamettin Dogan risque à nouveau la peine maximale de vingt ans pour « viols aggravés » sur Gisèle Pelicot, préalablement droguée par son ex-mari, la nuit du 28 juin 2019, au domicile du couple à Mazan (Vaucluse).
Ce nouveau procès, devant un jury populaire composé de cinq hommes et quatre femmes tirés au sort et de trois magistrats professionnels, doit durer jusqu’à jeudi au plus tard.
Si l’accusé souffre d’une « faille narcissique » en raison d’une enfance compliquée, avec un père absent et selon lui violent, « il n’y a pas de déficit, de défaut caractérisé à penser ce que l’autre peut vivre », et il aurait pu réagir à une « situation de détresse », selon l’expert psychologue Annabelle Montagne.
« Au moment de ses agissements, il avait un rapport tout à fait normal avec la réalité. S’il a transgressé un interdit, il l’a fait en toute connaissance de cause », abonde le psychiatre Laurent Layet, qui n’a relevé « aucun élément susceptible d’avoir aboli son discernement ».
En revanche, l’accusé a pu considérer Dominique Pelicot, âgé de presque 30 ans de plus que lui et qui pouvait incarner « un rôle de dominant auprès d’un certain nombre de mis en examen », comme une figure paternelle, a estimé l’experte.
Point immédiatement relevé par la défense. « L’experte est venue confirmer que M. Dogan pouvait être un personnage dominé par une figure puissante et y compris qui pouvait symboliser une figure paternelle », a insisté devant la presse Me Jean-Marc Darrigade, lors d’une suspension d’audience.
« Tous savaient », selon Dominique Pelicot
« Il a toujours ressenti le fait d’être allé chez un couple qu’il pensait libertin et s’être retrouvé piégé par un homme qui, on l’a su ensuite, cyniquement, abusait de sa femme depuis de nombreuses années », a poursuivi l’avocat, confirmant la ligne de défense de son client sur un Dominique Pelicot « manipulateur ».
Version que ce dernier contestera mardi quand il comparaîtra comme simple témoin, n’ayant pas fait appel de sa condamnation à vingt ans de prison pour avoir pendant une décennie violée et fait violer son épouse par des dizaines d’inconnus recrutés sur Internet. Comme il l’a constamment fait à Avignon, il répétera que « tous savaient » qu’ils venaient violer une femme préalablement sédatée par ses soins, a assuré son avocate en amont du procès.
La pression sur Husamettin Dogan est forte car, à l’inverse du premier procès où 50 accusés avaient défilé pendant quatre mois à la barre (un autre, en fuite, était jugé en absence), l’accusé concentre cette fois sur lui seul l’intérêt sociétal et médiatique, avec plus de 100 journalistes du monde entier accrédités.
En marge de l’audience, devant le palais de justice, des manifestants ont brandi des pancartes comme « Ras le viol » ou « Violeurs, la honte ».