expulser des migrants vers le Rwanda, un pari à haut risque pour le premier ministre Rishi Sunak

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Le premier ministre britannique, Rishi Sunak, à Kiev, le 12 janvier 2024.

Le projet de loi britannique visant à expulser des migrants vers le Rwanda aborde un passage délicat, mardi 16 janvier, pour le premier ministre Rishi Sunak, sous la menace de voir son camp se déchirer autour de ce texte controversé. Destiné à répondre aux objections de la Cour suprême, qui a bloqué en novembre une précédente version du projet, le texte a franchi en décembre un premier obstacle au Parlement. Les choses se corsent à présent pour Rishi Sunak, qui a placé au cœur de sa politique migratoire l’expulsion vers le Rwanda des migrants arrivés illégalement sur le sol britannique.

Un pari à haut risque en ce début d’année électorale où les conservateurs ne parviennent pas à réduire l’écart dans les sondages et restent menés d’une vingtaine de points par l’opposition travailliste menée par Keir Starmer. Un sondage de l’institut YouGov publié lundi laisse même envisager aux Tories, au pouvoir depuis quatorze ans, une débâcle électorale pire que lors de l’arrivée au pouvoir de Tony Blair, en 1997.

Alors que le texte passe en commission mardi et mercredi, l’aile droite des Tories est en embuscade pour tenter de durcir via des amendements – soutenus par une soixantaine de députés, selon la presse britannique – un texte trop édulcoré à ses yeux. Certains députés conservateurs souhaitent par exemple supprimer totalement les possibilités de recours pour les migrants expulsés.

Après avoir essuyé les critiques cinglantes de son ex-ministre de l’intérieur, Suella Braverman, et la démission de son secrétaire d’Etat à l’immigration, Robert Jenrick, Rishi Sunak risque à présent de faire face à la rébellion du vice-président du parti conservateur, Lee Anderson. Mais un durcissement trop radical du texte risque de se faire au détriment du soutien des conservateurs modérés.

« Manège juridique »

Les amendements ayant peu de chances d’être adoptés, c’est lors du prochain vote à la Chambre des communes que les choses risquent de véritablement se compliquer, pour Rishi Sunak, si la droite du parti concrétise la menace de fronde qu’elle agite depuis des semaines. Mais selon le Times, le premier ministre se trouve en meilleure posture qu’il n’y paraît, car « les conservateurs opposés au texte dans sa forme actuelle se trouvent face à un choix : soutenir un texte qui, pensent-ils, ne fonctionnera pas, ou voter avec le Labour pour garantir la mort » du projet.

Rishi Sunak a assuré lundi qu’il « parlait à tous [ses] collègues ». « Je sais que tout le monde est mécontent – je suis mécontent au sujet de la situation – et veut voir la fin du manège juridique », a-t-il déclaré à la presse lors d’une visite dans l’Essex, affichant sa détermination à voir ce projet aboutir. Annoncé en avril 2022 sous Boris Johnson, celui-ci n’a jamais été mis en œuvre. Un premier avion a été bloqué in extremis par une décision de la justice européenne, puis la justice britannique a, jusqu’à la Cour suprême, déclaré le projet illégal.

Pour tenter de sauver le projet, le gouvernement a signé un nouveau traité avec le Rwanda. Il est adossé à ce nouveau projet de loi qui définit le Rwanda comme un pays tiers sûr et empêche le renvoi des migrants vers leurs pays d’origine. Il propose également de ne pas appliquer aux expulsions certaines dispositions de la loi britannique sur les droits humains, pour limiter les recours en justice.

Près de 30 000 migrants ont traversé illégalement la Manche en 2023 sur de petites embarcations, en forte baisse par rapport au record atteint en 2022 (45 000). Cinq migrants sont morts ce week-end alors qu’ils tentaient de rejoindre une embarcation à la mer dans une eau glaciale. Selon les autorités françaises, douze migrants ont péri l’année dernière en tentant de traverser la Manche, l’un des détroits les plus fréquentés au monde.

Le Monde avec AFP



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