Etats-Unis : Cour suprême versus démocratie

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Donald Trump ne cesse de pérorer à propos des biais supposés de la justice de son pays. On ne peut lui donner tort : une partie de cette justice lui est outrageusement favorable. La plus haute instance judiciaire des Etats-Unis en a apporté la preuve dans un arrêt très attendu, rendu le 1er juillet. La Cour suprême, dominée par six juges nommés par des présidents républicains, dont l’ancien homme d’affaires, avait été saisie par ce dernier, inculpé de « complot contre l’Etat » en août 2023. Il est accusé d’avoir tenté d’invalider les résultats de la présidentielle de 2020 qui l’opposait à Joe Biden, notamment en incitant ses partisans, le jour de la certification de ces résultats, à marcher sur le Capitole qu’ils avaient tenté, en vain, de prendre par la force.

Une accusation aussi grave exigeait qu’elle soit tranchée avant l’élection présidentielle du 5 novembre, pour laquelle il est candidat. La Cour suprême en a décidé autrement, en renvoyant à une cour intermédiaire la charge de définir plus précisément si les actes de Donald Trump, au cours de cette contestation sans précédent dans l’histoire des Etats-Unis, relevaient ou non de ses fonctions officielles et entraient de ce fait dans le champ d’une immunité présidentielle.

Lenteur spectaculaire

Cette réponse dilatoire, qui a déjà pour effet de décaler au mois de septembre l’annonce prévue en juillet de la peine consécutive à sa condamnation au pénal dans une affaire de falsification comptable, va rendre impossible la tenue d’un procès avant le scrutin. Elle n’a pas surpris celles et ceux qui avaient déjà été alarmés par la lenteur spectaculaire adoptée par la Cour suprême dans ce dossier. Elle avait été sollicitée en urgence en décembre 2023 pour trancher cette question d’immunité, mais elle a attendu le tout dernier jour de son année judiciaire pour y répondre.

Alors que Donald Trump ne fait pas mystère de ses intentions de régler ses comptes avec tous ceux et celles qui ont fait barrage à sa tentative de coup de force, et de mettre au pas les contre-pouvoirs américains, la Cour suprême a jugé bon, en outre, de profiter de ce dossier pour définir l’immunité présidentielle de manière particulièrement extensive. Au point de remettre en cause un principe essentiel de la démocratie aux Etats-Unis : nul n’est au-dessus des lois.

L’arrêt rendu le 1er juillet ne pourra que renforcer la défiance de la majorité des Américains à l’égard de la plus haute instance judiciaire des Etats-Unis, dont l’image est déjà au plus bas. Ce risque est accentué par le fait que l’entourage immédiat de deux juges conservateurs avait défendu publiquement la contestation des résultats de la présidentielle, sans que ces derniers estiment préférable, pour l’intégrité de leur institution, de se déporter de ce dossier.

L’affaissement de la Cour suprême des Etats-Unis a été confirmé cette année par un nombre record d’arrêts adoptés par les seuls juges conservateurs. Cette dérive est le produit d’une stratégie de longue haleine visant à promouvoir les juges considérés comme les défenseurs les plus intransigeants d’une lecture étroitement conservatrice des textes. La suppression de la protection fédérale de l’avortement, en 2022, portait déjà leur marque. La manière de blanc-seing accordée à Donald Trump confirme un aveuglement dont les victimes collatérales sont la démocratie et l’Etat de droit.

Le Monde

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