En Mauritanie, un cas de corruption policière met à mal la coopération antimigratoire avec l’Union européenne

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Des corps de migrants recouverts d’une bâche sur une plage près de Nouakchott, le 24 juillet 2024.

C’est une affaire de corruption qui plombe la police mauritanienne autant qu’elle révèle les faiblesses d’un partenaire clé de l’Union européenne (UE) dans la lutte contre l’immigration irrégulière. Le 9 octobre, au moins onze agents de police et deux passeurs, accusés d’avoir accepté des pots-de-vin de migrants d’Afrique subsaharienne en échange de leur libération, ont été arrêtés et placés en détention à Nouakchott.

Deux jours avant l’arrestation de ces agents, le commissaire Mohamed Abdel Fattah Ould Sid Ahmed, chef de l’office de lutte contre la migration et la traite des personnes, a été licencié. Selon un document officiel signé par le directeur de la sécurité nationale obtenu par Le Monde, cette sanction est liée aux conclusions d’une enquête et aux recommandations d’un comité disciplinaire, citant « une mauvaise conduite et un manquement à ses devoirs ».

Bien que le gouvernement mauritanien affirme qu’il n’a pas été licencié pour cette affaire de soupçon de pots-de-vin mais pour des raisons administratives, des sources concordantes assurent que M. Fattah avait à minima connaissance de ce réseau. Le Monde a notamment obtenu une conversation enregistrée secrètement cet été dans laquelle un officier de police sous les ordres de M. Fattah indique que son supérieur et certains de ses collègues acceptaient de l’argent de migrants détenus et de passeurs organisant des voyages illégaux vers l’Espagne.

Abandons dans le désert

Depuis 2021, l’UE collabore avec la Mauritanie dans le cadre du partenariat opérationnel conjoint (POC). Doté d’un budget de 4,55 millions d’euros, ce projet, mis en œuvre par l’agence espagnole de développement (FIIAPP) et par l’office de lutte contre la migration et la traite des personnes, prévoit des formations, des équipements ou encore la construction de centres de détention en Mauritanie.

Selon une source mauritanienne proche du dossier, le gouvernement de Nouakchott tenterait de protéger M. Fattah afin de préserver cette coopération et les financements de l’UE. En 2022, ce commissaire, issu d’une famille influente liée à l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz, avait reçu une médaille du mérite du gouvernement espagnol pour sa contribution à la lutte contre l’immigration irrégulière.

En mai, Le Monde, en collaboration avec Lighthouse Reports et d’autres médias, avait révélé que la Mauritanie utilisait les fonds de l’UE pour détenir arbitrairement et abandonner des milliers de migrants subsahariens dans le désert, à la frontière avec le Mali, souvent sans eau ni nourriture.

Selon plusieurs témoins, ces abandons dans le désert se faisaient sous la supervision de M. Fattah et avec l’assistance de la police espagnole. Le Monde avait également obtenu des photos le montrant avec des agents espagnols travaillant dans le cadre du projet POC à Nouakchott ou lors de voyages de travail aux îles Canaries.

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Contacté par Le Monde, le ministère espagnol des affaires étrangères a dit être informé du licenciement de M. Fattah mais sans plus de précisions. Un porte-parole de la Commission européenne a aussi déclaré être au courant du limogeage du commissaire mauritanien, ajoutant qu’elle ne commentait pas les enquêtes en cours. En mars, l’UE a lancé un partenariat migratoire de 210 millions d’euros avec la Mauritanie. La commissaire Ylva Johansson avait alors estimé que ce partenariat renforcerait les efforts communs pour lutter contre le trafic de migrants.

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