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En Italie, le suicide d’un jeune Guinéen jette une lumière crue sur les centres de rétention

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Un centre de rétention à Fiumicino, près de Rome, le 24 mars 2011.

Le suicide d’un détenu a lancé une nouvelle alarme sur la situation problématique des centres de rétention italiens et sur les conditions de vie qui y règnent. Dimanche 4 février, Ousmane Sylla, 22 ans, migrant guinéen, a mis fin à ses jours dans le centre de séjour pour les rapatriements (CPR) de Ponte Galeria, au sud-ouest de Rome. La mort du jeune homme a déclenché des protestations de la part d’autres détenus qui ont mis feu à leurs matelas et se sont confrontés aux forces de l’ordre. Ces dernières ont usé du gaz lacrymogène et ont arrêté quatorze personnes retenues dans le centre, à l’issue d’un épisode qui est loin d’être isolé.

Quelques jours avant son suicide, M. Sylla avait ainsi été transféré du CPR de Trapani, en Sicile, à la suite, là aussi, d’un mouvement de protestation des migrants détenus. Avant de se pendre, il a écrit sur le mur de sa nouvelle cellule : « Si je meurs, j’aimerais qu’on envoie mon corps en Afrique, ma mère en sera contente. Les militaires italiens ne connaissent rien sauf l’argent. L’Afrique me manque beaucoup et ma mère aussi, elle ne doit pas pleurer pour moi. Paix à mon âme, que je repose en paix. » Le parquet a ouvert une enquête pour incitation au suicide.

Grâce à son statut de parlementaire, le député et secrétaire général du parti libéral + Europa, Riccardo Magi, a pu se rendre, dimanche, à l’intérieur du CPR de Ponte Galeria, entre deux vagues d’affrontements avec les forces de l’ordre. « Comme dans tous les CPR que j’ai pu visiter, la situation à l’intérieur est indigne, dit-il au Monde. Les personnes détenues disent ne pas avoir eu de plat chaud depuis des semaines. Il n’y a pas d’eau chaude, pas de literie correcte, un état de saleté généralisé. Les détenus qui ne sont pas révoltés sont comateux à cause des psychotropes qui leur sont administrés pour les rendre inoffensifs. »

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L’usage de médicaments à des fins de contrôle dans les centres de rétention a été établi par une enquête de la revue italienne Altreconomia. En dehors des rares travaux journalistiques de cette nature, qui recueillent des informations filtrant difficilement de l’intérieur, et des témoignages des parlementaires et garants des droits qui peuvent s’y rendre, la réalité de ces sites est largement invisible.

« Trous noirs juridiques »

Les CPR sont au nombre de dix en Italie, gérés par des prestataires privés, répartis sur l’ensemble du territoire, pour une capacité de l’ordre du millier de détenus. Les personnes qui y sont enfermées sont des étrangers en situation irrégulière n’ayant pas fait de demande d’asile ou venant de pays sûrs et faisant l’objet d’une procédure d’expulsion. « Les CPR sont des trous noirs juridiques, où tous les droits à la défense sont entravés, explique Salvatore Fachile, spécialiste en droit de l’asile au cabinet d’avocat Antartide, à Rome. Leurs téléphones étant saisis, les détenus ont des possibilités très limitées de communication avec l’extérieur et de contact avec des avocats pour contester leur détention. »

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