En Equateur, « comment ne pas avoir peur dans un pays qui fait naufrage ? »

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Une étudiante travaille avec une lampe frontale pendant une panne d’électricité à Quito, en Equateur, le 13 novembre 2024.

Dans la nuit fraîche de Quito, les badauds attendent que la lumière revienne et que démarre le défilé. « Cela fait du bien de sortir un peu et de voir des gens heureux dans la rue », se réjouit Manuela Valle, 22 ans. Etudiante infirmière, elle est venue en famille admirer fanfares et majorettes. « Depuis que le rationnement a commencé, tout le monde rentre chez soi le plus vite possible après les cours ou le boulot, explique la jeune femme. Les rues sans éclairage public font trop peur. »

La capitale équatorienne s’apprête à célébrer sa foire annuelle sur fond de coupures quotidiennes d’électricité. Une sécheresse inédite a vidé les barrages des centrales hydroélectriques, qui fournissent 70 % de l’électricité du pays. Les horaires des coupures changent tous les jours selon les quartiers.

La crise énergétique vient compliquer encore la vie des Equatoriens, confrontés, depuis cinq ans, à une crise sécuritaire sans précédent. Dimanche 1er décembre, dix personnes ont été massacrées dans la province d’El Oro, dans le sud-ouest du pays. La police a retrouvé un des corps entièrement démembré.

Trafic de drogue et rivalités mafieuses

Un des officiers de police postés sur l’avenue Rio Amazonas pour assurer la sécurité du défilé tente de se faire rassurant. « Quito est relativement épargnée par la vague de violences », dit-il. Liée au trafic de drogue et aux rivalités entre mafias, la criminalité touche essentiellement le port de Guayaquil et la côte pacifique. Selon l’officier de police, la politique de fermeté mise en place par le président, Daniel Noboa, est payante. Le taux d’homicides du pays a baissé de 18 % pour les dix premiers mois de 2024, en comparaison avec la même période de 2023. Il avait augmenté de plus de 500 % entre 2019 et 2023. Mais l’officier de police en convient : « Le sentiment d’insécurité a encore augmenté avec le rationnement. » Manuela soupire : « Comment ne pas avoir peur dans un pays qui fait naufrage ? »

Arrivé au pouvoir en novembre 2023, pour finir le mandat écourté de son prédécesseur, Daniel Noboa, 37 ans, briguera un mandat de quatre ans en février 2025. Début janvier, le jeune président déclarait la guerre aux gangs du pays et déployait l’armée pour rétablir l’ordre dans les prisons et les rues du pays. Sa popularité s’envolait pour atteindre 82 % en février.

Mais, dix mois plus tard, l’insécurité persiste, l’économie ne décolle pas et les coupures d’électricité affectent la vie quotidienne, personnelle, de tous les Equatoriens. La cote de popularité de M. Noboa s’en ressent. Dans un sondage publié à la mi-novembre, le chef de l’Etat apparaît au coude à coude avec Luisa Gonzalez pour le premier tour de la présidentielle, avec 27,5 % des intentions de vote. Déjà candidate en 2023, Mme Gonzalez défend le legs de l’ancien président de gauche Rafael Correa – il a été condamné par contumace, en 2020, à huit ans de prison pour corruption et s’est exilé en Belgique – et les couleurs de son parti, le mouvement Révolution citoyenne.

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