Edouard Herbo, gestionnaire de fortune et empêcheur d’hériter en rond

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Pour un gestionnaire de fortune reconnu, Edouard Herbo a tout de même une drôle de façon de parler d’argent. « Au sein de la famille, l’argent est toxique, ça, c’est vraiment une certitude », attaque-t-il sans ciller, assis dans ses bureaux parisiens, boulevard Haussmann. « Et puis l’argent peut financer de belles causes, mais aussi détruire la planète », continue-t-il. En tête à tête, il n’hésite pas à brusquer ses clients, des patriarches disposant de cagnottes de 100 millions d’euros ou plus. Investir aux Etats-Unis dans une intelligence artificielle énergivore ? « Ce n’est pas raisonnable ! les secoue-t-il. Votre argent, vous l’avez gagné ici. Mieux vaut laisser à vos petits-enfants une qualité de vie et de l’emploi, plutôt que du pognon qui sent la mort. » Au sortir d’un rendez-vous avec l’un d’eux, il confie : « Avoir tant de patrimoine est une malédiction ! »

A titre personnel, le patron de Keepers Family Office s’est fait une promesse radicale : dans quelques années, une fois qu’il aura consolidé son entreprise de conseil en gestion de patrimoine fondée en 2018, il la vendra et créera, avec l’argent, une fondation en faveur de la biodiversité. La Fondation de la mare, peut-être. Un clin d’œil à celle où il regardait grenouilles et tritons, dans son enfance, près de Lille. « Là, j’aurai donné du sens à ma vie et je pourrai regarder les chiffres du changement climatique sans déprimer », se projette l’homme de 45 ans. Sa femme et ses quatre filles sont prévenues : inutile pour elles de rêver d’un héritage colossal, l’essentiel ira à cette fondation. « Oui, la solution, c’est la dépossession, j’en suis convaincu », professe Edouard Herbo.

Drôles de mots, vraiment, dans la bouche d’un financier qui gère plus de 3 milliards d’euros pour le compte de riches familles françaises, en particulier d’industriels du Nord – même si l’homme d’affaires et philanthrope américain Warren Buffett et une poignée d’autres grandes fortunes se sont aussi déclarés hostiles à l’héritage. « C’est rassurant de voir qu’il existe dans ce secteur quelques personnes comme lui, pleinement conscientes des dérives de la finance et qui tentent de lui redonner du sens », applaudit Jezabel Couppey-Soubeyran, professeure d’économie à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne (et chroniqueuse au Monde), qui échange régulièrement avec lui.

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