Dans le sud de la Turquie, des promesses enfouies sous les décombres du séisme

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Les conséquences du séisme du 6 février 2023 sont encore visibles à Antakya, dans la région du Hatay (Turquie), le 11 janvier 2024.

A quelques kilomètres du centre-ville d’Antakya, la plus grosse agglomération de la région du Hatay, tout au sud de la Turquie, un cimetière a été improvisé en bord de route. Se succèdent en rangées des centaines de monticules de terre identiques. Les rares pierres tombales affichent invariablement pour date de décès le 6 février 2023. Ce jour-là un séisme de magnitude 7,8 endeuillait le pays. Certains emplacements n’ont pour identifiant qu’un numéro de série peint sur une vulgaire planche de bois.

« La médecine légale a fait ce qu’elle a pu, mais il y avait tant de corps que tous n’ont pas pu être identifiés », explique Özlem Parlak. Cette étudiante en communication de 23 ans est originaire de la ville de Malatya, à quelques centaines de kilomètres de là. Après la catastrophe, elle aurait pu choisir de rejoindre sa famille, mais, depuis un an, elle a fait le choix de rester à Antakya. Militante du Parti ouvrier de la Turquie (TIP), une formation d’extrême gauche, elle travaille sans relâche, avec son organisation politique, à la coordination de l’assistance à la population.

La panique, l’odeur des cadavres… Les souvenirs qu’elle garde des heures qui ont suivi les secousses sont encore vifs. Sur les cinquante mille victimes des séismes recensées dans le pays en 2023, près de la moitié d’entre elles aurait péri dans le Hatay, d’après les chiffres officiels – considérés comme sous-estimés. Ce, alors que la région se situe à près de 200 kilomètres de ­l’épicentre. Plus de six mille bâtiments s’y sont effondrés, 71 % du bâti y a subi des dommages. Özlem Parlak l’admet, il lui est désormais impossible de retourner dans certains arrondissements de la ville : « A Defne, dans les quartiers de Gazi, Armutlu, Elektrik, par exemple. On ne peut plus parler de quartier, ­d’ailleurs, c’est une plaine complètement vide. »

Ouvriers embauchés à la hâte

Antakya, ou Antioche, en français, ville millénaire, creuset multiculturel et terre d’accueil des trois religions du Livre. Le centre-ville historique est aujourd’hui méconnaissable. Beaucoup de bâtiments qui constituaient le patrimoine architectural de la région ont vu leurs murs se fissurer ou leur toit s’effondrer. Repères visuels incontournables en Turquie, les silhouettes des minarets ont désormais disparu dans la région. De rares immeubles vides tiennent debout au milieu de vastes terrains vagues. L’entêtant vrombissement des machines de chantier ne cesse qu’à la tombée du jour.

Douze mois de travaux de déblaiement ont à peine suffi à dégager les milliers de mètres cubes de gravats, de sable et de métal. Faute de réparations envisageables, c’est maintenant au tour des constructions inhabitables d’être détruites. Les quantités de poussière soulevées saturent l’atmosphère et inquiètent les organisations professionnelles qui alertent sur les grandes quantités d’amiante présentes. Embauchés à la hâte en bord de route, les ouvriers journaliers qui acceptent ­d’effectuer ce travail ingrat sont bien souvent des réfugiés syriens.

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