
On les appelle les « capitaines », les « pilotes » ou les « barreurs ». Bien souvent, pourtant, ils n’ont jamais tenu une barre de leur vie. De sorte qu’il n’est pas évident de comprendre pourquoi ils se sont un jour retrouvés aux commandes d’un canot pneumatique, engagés dans une périlleuse traversée de la Manche. Si ce n’est qu’ils sont pour beaucoup originaires du Soudan ou de la Corne de l’Afrique, ce qui les situe en bas de l’échelle sociale des migrants présents sur le littoral nord pour rejoindre l’Angleterre. Une précarité qui en fait des candidats prêts à prendre plus de risques pour trouver leur place dans un canot, en acceptant de le conduire.
Pour ces faits-là, plusieurs d’entre eux sont actuellement détenus et poursuivis. On leur reproche de l’aide au séjour irrégulier, voire des blessures et homicides involontaires, lorsque leur périple a tourné au naufrage. Une situation qui soulève des interrogations en droit.
Mardi 18 novembre, le tribunal judiciaire de Paris a relaxé un Soudanais de 31 ans, Ibrahim A., poursuivi pour avoir piloté un canot dans la nuit du 11 au 12 août 2023. L’embarcation s’est déchirée en mer, provoquant la mort de sept Afghans. Le parquet avait requis contre lui deux ans de prison assortis du sursis – « étant pilote » du canot, le Soudanais devait être « condamné pour homicide involontaire » –, tout en reconnaissant le « statut de victime » à ce Masalit (une communauté persécutée du Darfour) au regard de son parcours d’exil. La parquetière avait soutenu que le droit n’« accorde l’immunité que lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie », estimant que le jeune homme avait payé sa traversée au tarif réduit de 400 euros en échange du pilotage.
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