Comment les poursuites-bâillons sont devenues monnaie courante en Europe

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Livre. Ce sont souvent les mêmes éditorialistes qui, d’une part, défendent une liberté d’expression « totale » et crient à la censure, et, de l’autre, acceptent en silence que leurs patrons recourent aux procédures-bâillons pour empêcher toute investigation les concernant ou que l’Etat use de lois d’exception pour réduire au silence les voix posant des questions gênantes. Mais il ne faut s’étonner de rien à l’ère de la postvérité et du commentaire ad libitum.

S’il n’est guère étonnant que les entreprises privées défendent bec et ongles le secret de leurs affaires, aussi gênantes soient-elles, il l’est nettement plus que les Etats, censés être les garants de l’intérêt général et du bien-être de leurs citoyens, se rangent aux côtés du monde de la finance et de l’industrie. Quand ils ne cherchent pas à faire taire ceux qui dévoilent leurs propres secrets contraires aux engagements publics, voire à la loi ou à la Constitution, en usant parfois de l’arsenal juridique antiterroriste.

L’universitaire et juriste Sophie Lemaître a exercé au sein de l’ONG française Sherpa ou du centre de recherche U4 Anti-Corruption Resource Centre de Bergen, en Norvège. Elle a consacré un livre, Réduire au silence. Comment le droit est perverti pour bâillonner médias et ONG, à ce phénomène émergent de « guerre par le droit » destiné à faire taire les lanceurs d’alerte, qu’ils soient journalistes ou militants associatifs ou encore simples citoyens.

Utilisation abusive du système judiciaire

Apparues à la fin des années 2000 au Canada, les poursuites-bâillons, qui consistent en une utilisation abusive du système judiciaire pour réduire des lanceurs d’alerte au silence, sont devenues aujourd’hui monnaie courante en Europe. « La Pologne, Malte et la France sont les pays européens où les poursuites-bâillons ont été le plus souvent engagées », souligne Sophie Lemaître.

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