Avec sa décision sur Bachar Al-Assad, la cour d’appel de Paris réduit le champ de l’immunité des chefs d’Etat étrangers mis en cause par la justice française

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Une décision historique et argumentée. En validant, mercredi 26 juin, le mandat d’arrêt visant Bachar Al-Assad, accusé par des juges d’instruction français de complicité de crimes contre l’humanité pour les attaques chimiques meurtrières d’août 2013 imputées au régime, la cour d’appel de Paris ouvre non seulement la voie à un procès en absence du président syrien, mais elle modifie de façon décisive la jurisprudence en matière d’immunité des chefs d’Etat en exercice. « C’est la première fois qu’une juridiction nationale reconnaît que l’immunité personnelle d’un chef d’Etat en exercice n’est pas absolue », se sont réjouies Clémence Bectarte, Jeanne Sulzer et Clémence Witt, les avocates des parties civiles dans un communiqué commun.

Ce mandat d’arrêt contre Bachar Al-Assad avait été émis le 14 novembre 2023 par des juges d’instruction français, qui avait visé également trois autres hauts responsables sécuritaires syriens, dont le frère du chef de l’Etat, Maher Al-Assad, chef de la 4division, une unité d’élite de l’armée, ainsi que deux généraux, Ghassan Abbas et Bassam Al-Hassan. Il s’agissait d’une première judiciaire : jamais une justice nationale n’avait encore émis un mandat d’arrêt contre un chef d’Etat en exercice.

A la suite d’une plainte du Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression (SCM) et de victimes avec constitution de partie civile, rejointe par d’autres survivants et trois ONG, des juges d’instruction du pôle crimes contre l’humanité du tribunal judiciaire de Paris enquêtent depuis 2021 sur les responsables des attaques chimiques du 4 au 5 août 2013 à Adra et Douma, près de Damas, ayant blessé 450 personnes, et celle du 21 août qui avait fait plus de 1 000 morts dans la Ghouta orientale.

Ils ont recueilli plusieurs dizaines de témoignages, outre les investigations menées par l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine (OCLCH). La question de la compétence de la justice française ne se pose pas dans la mesure où, parmi les parties civiles, se trouvent des victimes franco-syriennes.

Al-Assad ne s’est pas comporté « comme un chef d’Etat »

En validant le mandat d’arrêt visant le président syrien, la chambre de l’instruction a rejeté la requête en nullité du Parquet national antiterroriste (PNAT), qui demandait l’annulation du mandat. « Tout en soulignant l’existence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de Bachar Al-Assad, en qualité de complice, aux crimes contre l’humanité et crimes de guerre dénoncés », le PNAT avait estimé que ce mandat « introduisait une exception au principe, consacré par la jurisprudence, de l’immunité personnelle absolue dont bénéficient les présidents (…) en exercice de chaque Etat souverain », a rappelé dans un communiqué la procureure générale de la cour d’appel de Paris, Marie-Suzanne Le Quéau.

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