
La Cour suprême, à majorité conservatrice, a autorisé mercredi 18 juin une loi de l’Etat du Tennessee (Sud) interdisant aux mineurs transgenres l’accès aux traitements de transition, sujet de profonde crispation dans la société américaine.
Par une majorité de six voix contre trois, celles des juges conservateurs contre les progressistes, la Cour considère que la loi ne présente pas de caractère discriminatoire, comme l’affirmaient les plaignants, et s’en remet donc à la volonté « du peuple, de ses représentants élus et du processus démocratique ».
Cette décision pourrait être lourde de conséquences, la moitié des Etats américains ayant prohibé les traitements pour les mineurs qui ne se reconnaissent pas dans leur genre de naissance. Sur 1,6 million de personnes se définissant comme transgenres aux Etats-Unis, plus de 300 000 sont âgées de 13 à 17 ans, dont plus du tiers vivent dans l’un de ces Etats, selon une étude du Williams Institute, groupe de réflexion de l’université UCLA.
Des mineurs et leur famille, une gynécoloque de Memphis ainsi que l’administration démocrate précédente de Joe Biden, faisaient valoir que cette loi violait le quatorzième amendement de la Constitution sur « l’égale protection » des citoyens puisqu’elle prive les personnes transgenres d’accès à des traitements autorisés à d’autres pour raisons médicales.
Mais la Cour, dans une décision rédigée par son président, John Roberts, leur donne tort sur ce point et s’en remet donc à la volonté « du peuple, de ses représentants élus et au processus démocratique », considérant qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur « la sagesse, l’équité ou la logique » de la loi.
« Ce dossier porte le poids de vifs débats scientifiques et de politique publique quant à la sûreté, l’efficacité et l’adéquation des traitements médicaux dans un domaine en pleine évolution », souligne par ailleurs la majorité.
« La Cour abandonne ainsi les enfants transgenres et leurs familles à des caprices politiques »
A contrario, la juge Sonia Sotomayor, dans un avis écrit de désaccord auquel s’associent ses deux collègues progressistes, reproche à la décision de « tordre la logique et la jurisprudence » pour parvenir à la conclusion que la loi du Tennessee n’est pas discriminatoire alors qu’elle « catégorise expressément sur la base du sexe et du statut transgenre ».
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« La Cour abandonne ainsi les enfants transgenres et leurs familles à des caprices politiques », déplore-t-elle.
Lors des débats en décembre 2024, la conseillère juridique de l’administration Biden, Elizabeth Prelogar, et un représentant des plaignants, Chase Strangio, avaient reproché à la loi d’interdire totalement les traitements de transition aux mineurs sans prendre en considération leurs avantages, tels que la réduction significative des cas de dépression et de pensées suicidaires.
Le Tennessee a voté cette loi pour protéger les mineurs d’interventions médicales « risquées et susceptibles d’avoir des conséquences souvent irréversibles », avait assuré le représentant de cet Etat, Matthew Rice.
Depuis son retour à la Maison Blanche, Donald Trump est revenu sur une série d’acquis obtenus par les personnes transgenres. Le président républicain a signé à la fin de janvier un décret mettant fin aux aides publiques pour les traitements de transition de genre des mineurs, chimiques comme chirurgicaux, promettant de s’y opposer par tous les moyens légaux.
« A travers le pays, les professionnels de santé mutilent et stérilisent un nombre grandissant d’enfants influençables (…). Cette tendance dangereuse sera une tache sur notre histoire et elle doit prendre fin », selon le texte du décret.
Les républicains ont mené plusieurs attaques contre la place des personnes transgenres, un de leurs chevaux de bataille contre le « wokisme », la bien-pensance dont ils taxent le camp démocrate. Ils ciblent en particulier la participation des sportives transgenres à des compétitions féminines et l’accès des mineurs aux traitements de transition.