Au Salvador, une enquête sur l’enrichissement de la famille Bukele provoque la colère du président

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Lors d’une manifestation contre le gouvernement du président salvadorien, Nayib Bukele, à San Salvador, le 19 octobre 2024.

« Nayib Bukele et ses proches ont acquis 363 hectares, la grande majorité durant son premier mandat comme président [2019-2023]. Les Bukele [femme, mère et frères du président] ont acheté seize propriétés d’une valeur totale de 9,2 millions de dollars [8,5 millions d’euros] depuis 2019. » Les premières lignes de l’enquête intitulée « Bukele & Cie, la nouvelle famille de propriétaires fonciers du Salvador », du consortium de médias indépendants Redaccion regional, ne pouvaient que provoquer la colère du président salvadorien, qui se prétend « incorruptible ».

Le chef de l’Etat avait promis, le 1er juin 2023, de lutter contre la corruption, comme il l’a fait contre les gangs, annonçant même la création d’une prison pour les corrompus identique au « centre de confinement du terrorisme » où sont enfermés les pandilleros (membres de gangs) dans des conditions épouvantables. Le 9 octobre, il a violemment réagi sur les réseaux sociaux en dénigrant cette investigation.

« Les “journalistes” payés par Soros [philanthrope et fondateur de l’ONG Open Society, qui finance plusieurs médias dans la région] ont reçu l’ordre d’attaquer, a-t-il écrit sur X, où il est suivi par 6,6 millions d’abonnés. Aucune de leurs “enquêtes” ne résiste à l’analyse d’un comptable, et encore moins d’un conseiller financier, mais ils décident tout de même de les publier, dans l’espoir que quelqu’un les croira. Nous ne sommes pas parfaits, et je suis sûr qu’il y aura beaucoup à critiquer. Mais de la corruption ? Imbéciles. »

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Son frère Karim Bukele, ainsi que de nombreux élus de son parti politique Nuevas Ideas, ont repris la même rhétorique, qualifiant l’enquête d’« attaque de l’opposition sous couvert de journalisme » dans de nombreux tweets. « On aimerait être financés par les ONG de George Soros, mais ce n’est pas le cas. Nous présenter comme des opposants au service d’un milliardaire étranger leur permet surtout d’éviter de répondre à la question centrale de l’enquête : d’où vient l’argent ?, souligne le directeur de Redaccion regional, Daniel Valencia. Quand on a commencé à interroger la présidence sur cette question et à dévoiler notre enquête, nous avons subi des cyberattaques sur notre site Internet. Je ne peux affirmer que la présidence est derrière cette opération, mais la coïncidence est tout de même troublante. »

Conflits d’intérêts avec l’industrie du café

Ce n’est pas la première fois que le président s’en prend ainsi au journalisme indépendant, qu’il a exclu des conférences de presse officielles. « Je suis bloqué des réseaux sociaux de la moitié des institutions du pays. Bukele a donné des instructions pour que personne au sein du gouvernement ne nous parle », explique Jaime Quintanilla, auteur de cette enquête et qui a reçu menaces et insultes pour ce travail.

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