Au procès de Monique Olivier, frustration, fatigue et agacement lors de l’interrogatoire sur la disparition d’Estelle Mouzin

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Pour rater un interrogatoire aux assises, il faut être deux. Monique Olivier et Didier Safar s’y sont employés conjointement, jeudi 14 décembre à Nanterre, et l’on avait du mal à décider, après cette pénible journée, qui de l’accusée ou du président de la cour avait le plus contribué à dévitaliser l’audience, à saborder ce potentiel moment de vérité.

Monique Olivier, ses réponses marmonnées qui s’arrêtent à mi-chemin, ses innombrables « je sais plus » soupirés, ses contradictions et ses silences suspects ? Ou bien Didier Safar, président rigide accroché aux procès-verbaux d’enquête, réfractaire à toute idée de spontanéité à l’audience, agressif envers une accusée dont l’histoire a pourtant démontré qu’il fallait, plus que d’autres, savoir la manier délicatement pour la faire accoucher ?

Le sujet du jour aurait pourtant mérité un effort de chacun : Monique Olivier, jugée pour complicité de ce crime et de deux autres, était interrogée au sujet de l’enlèvement et du meurtre d’Estelle Mouzin par son défunt mari, Michel Fourniret, en 2003. C’était sans doute la dernière occasion d’obtenir des précisions sur l’un des faits divers les plus marquants du XXIsiècle en France, et pour les parents d’Estelle Mouzin, d’en apprendre davantage sur les dernières heures de leur fille.

« Vous seule pouvez le dire, madame »

Les aveux de Michel Fourniret, en 2020, étaient alambiqués et imprécis. Monique Olivier, elle, avait reconnu sa participation aux faits un an plus tard, « mais vous n’avez pas tout dit du calvaire subi par Estelle Mouzin », a commencé le président Safar, bien conscient de l’enjeu : « Que vous nous disiez le plus précisément possible ce qui s’est passé entre son enlèvement [le 9 janvier 2003 vers 18 heures] et son décès [probablement le lendemain soir]. Fourniret étant mort, vous seule pouvez le dire, madame. Je vous demande de ne pas refuser cette vérité que vous devez aux parents d’Estelle Mouzin. »

Où la petite fille a-t-elle été séquestrée ? A-t-elle été entravée ? Droguée ? Frappée ? Violée ? A-t-elle tenté de fuir ? Quand et comment a-t-elle été tuée ? Quels ont été le rôle et l’attitude de Monique Olivier ? Ce qu’elle n’avait pas dit clairement en 34 interrogatoires sur le dossier Mouzin depuis 2019, l’accusée allait-elle le dire en une journée à la cour d’assises ?

En se lançant dans son interrogatoire comme un chien dans un jeu de quilles, Didier Safar n’a pas mis toutes les chances du côté de la manifestation de la vérité, et au bout d’une demi-heure de questions fermées, posées de manière brusque, sans jamais laisser à Monique Olivier le temps de répondre, le président était interrompu par les avocats des deux bords qui, dans une intervention rare, lui suggéraient de faire autrement.

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