Au procès de Dominique Boutonnat, président du CNC, dix heures d’audience et deux versions d’une même nuit

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Une maison avec piscine, sur une île grecque, en août 2020. Deux familles en vacances. Les hôtes sont Dominique Boutonnat et son épouse. Leurs invités sont leurs meilleurs amis. Leur fils aîné, âgé de 21 ans, est le filleul du patron du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Dominique Boutonnat connaît sa mère depuis leurs études à Sciences Po et a choisi son père comme parrain de l’un de ses enfants.

Tribunal correctionnel de Nanterre, vendredi 14 juin. Le filleul est assis au banc des parties civiles. Dominique Boutonnat est accusé de l’avoir sexuellement agressé. Il a obtenu un non-lieu sur l’accusation de tentative de viol initialement retenue contre lui. Son épouse est venue le soutenir. De l’autre côté de la travée du public, au premier rang, un père et une mère veillent sur le jeune homme frêle aux traits fins qui a porté plainte contre son parrain.

Pendant dix heures d’audience, deux versions d’une même nuit se sont affrontées. C’est d’abord le plaignant qui raconte. « Dominique était comme un second père. C’était très chouette d’avoir cette figure adulte à qui se confier », dit-il. Auprès de son parrain, il s’était ouvert de son homosexualité et celui-ci l’avait aidé à l’annoncer à ses parents. Cet été-là, il rentrait tout juste de trois années d’études à Londres et s’apprêtait à partir pour Séoul, en Corée du Sud, poursuivre son cursus universitaire. Le 3 août, après un dîner tardif dans une taverne, et alors que tout le monde était parti se coucher, Dominique Boutonnat et son filleul avaient prolongé la soirée au bord de la piscine, en enchaînant les verres.

Conversation enregistrée

« On parle beaucoup, je lui dis à quel point je lui suis reconnaissant de son accompagnement. Il me dit qu’il me considère comme un fils. » Ils se baignent nus dans la piscine – « on discute, il n’y a pas de geste équivoque » – ressortent, parlent et boivent encore. Le jeune homme admire le lever du soleil, la serviette qu’il porte autour des reins glisse, son parrain le photographie, et le complimente. « Mais les compliments ont un peu pris une autre forme, je me sens mal à l’aise. » Ils rentrent ensemble dans la maison, Dominique Boutonnat accompagne son filleul dans sa chambre, s’allonge à ses côtés sur son lit. « Et là, les choses se passent très vite… » A la barre, il marque un temps d’hésitation, avant de décrire « des embrassades, des frottements, des caresses de plus en plus explicites ». « Je perçois ça comme totalement dégradant. Ce n’est plus mon parrain. » Quelques heures plus tard, ils se croisent dans la salle de bains. « Dominique m’embrasse. Je vomis. »

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