
La première ministre japonaise, Sanae Takaichi, a assuré que le plan de relance de 21 300 milliards de yens (117 milliards d’euros), approuvé vendredi 21 novembre alors que l’inflation est tenace, était « responsable » d’un point de vue budgétaire, affirmant qu’elle entendait réduire la dette colossale du pays. Avec ces mesures, le gouvernement entend relancer la croissance de la quatrième économie mondiale dans un contexte d’exaspération des Japonais face à la flambée des prix.
Mme Takaichi est arrivée au pouvoir le mois dernier avec la promesse de lutter contre l’inflation, alors que la colère suscitée par cette dernière avait contribué à la chute de son prédécesseur, Shigeru Ishiba, resté en poste à peine un an. Mais l’inflation s’est de nouveau accentuée dans le pays en octobre selon des chiffres publiés vendredi, montant à 3 % en excluant les produits frais, contre 2,9 % en septembre.
La hausse des prix à la consommation dans l’archipel ne respecte ainsi pas l’objectif de la Banque du Japon (2 %) pour le 43e mois consécutif, une série inédite depuis 1992, et pourrait inciter l’institution à relever ses taux en décembre.
Le plan massif du gouvernement devrait cependant alourdir encore la dette pharaonique du pays, qui devrait atteindre 232,7 % du PIB en 2025, selon le Fonds monétaire international (FMI). Les inquiétudes concernant la santé financière du Japon ont fait grimper les rendements des obligations d’Etat à des niveaux record cette semaine.
« Une politique budgétaire proactive et responsable signifie une stratégie tournée vers l’avenir, qui ne vise pas à rechercher l’ampleur de manière irréfléchie ou excessive », a déclaré Mme Takaichi. « En appliquant rigoureusement le principe de dépenses judicieuses, nous déploierons de manière stratégique des mesures budgétaires pour protéger la vie de nos concitoyens et bâtir une économie forte », a-t-elle ajouté.
« En favorisant une économie solide et en augmentant le taux de croissance, nous réduirons le ratio dette/PIB, nous atteindrons la viabilité budgétaire et nous garantirons la confiance des marchés », a-t-elle encore promis. L’ensemble des mesures prévues par la première ministre comprend des subventions pour aider à payer les factures d’énergie et des réductions d’impôts pour atténuer les effets de l’inflation sur les ménages.
Inquiétudes concernant la devise japonaise
« Le Japon mène des politiques économiques expansionnistes depuis tellement longtemps sans parvenir à stimuler l’économie », a estimé Margarita Estevez-Abe, analyste à la Maxwell School de l’université de Syracuse.
Le produit intérieur brut de l’archipel a connu une légère contraction de 0,4 % au troisième trimestre, selon des chiffres publiés en début de semaine. Ces inquiétudes pèsent aussi sur la devise nippone, qui est tombée à son plus bas niveau face au dollar depuis janvier. « Une nouvelle dépréciation du yen frappera les ménages japonais ordinaires avec des prix plus élevés », note Mme Estevez-Abe.
La ministre des finances, Satsuki Katayama, a laissé entendre vendredi plus clairement que jamais que le gouvernement pourrait intervenir pour soutenir sa devise, disant que le Japon prendrait « des mesures appropriées contre les mouvements [de change] désordonnés », selon certains médias. La dernière intervention de l’Etat japonais pour soutenir le yen remonte à juillet 2024.
L’économie nippone est également sous la menace du durcissement des tensions entre Tokyo et Pékin, après des propos de Mme Takaichi laissant entendre que des attaques armées contre Taïwan pourraient justifier l’envoi de troupes japonaises pour défendre l’île – sur laquelle la Chine revendique la souveraineté.
Pékin a convoqué l’ambassadeur nippon et conseillé à ses citoyens d’éviter de se rendre dans l’archipel, où les Chinois représentent la plus grande source de touristes étrangers. Des médias ont aussi rapporté cette semaine que la Chine allait suspendre ses importations de fruits de mer japonais, ce qui n’a cependant pas été confirmé officiellement.
Vendredi, Mme Takaichi a déclaré que la position de Tokyo concernant Taïwan restait « inchangée » et qu’elle souhaitait des relations « constructives et stables » avec Pékin.
Le département d’Etat américain a par ailleurs déclaré que l’engagement de Washington dans l’alliance américano-japonaise et la défense du Japon, y compris des îles Senkaku administrées par Tokyo mais réclamées par la Chine, était « inébranlable ». Ces îlots inhabités, appelés Diaoyu par la Chine, sont une source fréquente de tensions, et Pékin a déployé dimanche des navires garde-côtes à proximité.
« Nous nous opposons fermement à toute tentative unilatérale de modifier le statu quo, y compris par la force ou la coercition, dans le détroit de Taïwan, la mer de Chine orientale ou la mer de Chine méridionale », a déclaré sur X le porte-parole du département d’Etat, Tommy Pigott.
