A Tula, le gouvernement mexicain exproprie Air liquide

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Le décret de son expropriation a été publié au Journal officiel mexicain vendredi 9 février, mais depuis le 29 décembre 2023, le sort paraissait scellé pour l’usine d’hydrogène d’Air liquide dans la raffinerie de l’entreprise publique pétrolière Pemex, à Tula (Etat d’Hidalgo). Le gouvernement mexicain avait, en effet, pris les rênes du site et demandé aux salariés du groupe français de ne plus revenir.

Dans ce décret, l’usine a ainsi été classée « d’utilité publique » alors « qu’il n’existe pas d’autonomie d’approvisionnement en hydrogène mais une dépendance à l’égard d’un tiers [Air liquide], mettant en péril la production d’essence et de diesel », estime le ministère de l’énergie. Air liquide a quinze jours pour se manifester auprès du gouvernement, qui n’évoque nullement des compensations dans ce décret.

Ni l’entreprise française, ni le gouvernement mexicain, ni Pemex n’ont souhaité s’exprimer. Pour comprendre ce geste exceptionnel, il faut revenir en arrière, lors du mandat du président Enrique Peña Nieto (2012-2018), qui met fin au monopole de Pemex sur les activités pétrolières et gazières après une réforme énergétique adoptée en 2013. Les champs pétroliers mais aussi de nombreuses activités de Pemex, dont l’hydrogène, sont donnés en concession. En 2018, Air liquide acquiert cette usine pour 52 millions de dollars (environ 48,5 millions d’euros) et un droit de l’exploiter pendant vingt ans. L’allemand Linde obtient, lui, un contrat dans la raffinerie Francisco-I.-Madero à Ciudad Madero (Etat du Tamaulipas) pour 32 millions de dollars.

« Négociation compliquée »

Mais dès son arrivée au pouvoir en 2018, Andrés Manuel Lopez Obrador (dit « AMLO ») veut « lancer un plan de sauvetage de Pemex » pour obtenir une « souveraineté énergétique » : en dépit de six raffineries, près de 60 % de l’essence des Mexicains est importée.

Octavio Romero Oropeza, le nouveau directeur de Pemex, participe régulièrement aux conférences de presse du président. Le 12 mai 2021, il évoque justement l’hydrogène et rappelle que l’administration Peña Nieto « a tenté de vendre toutes nos usines d’hydrogène, mais ils n’ont réussi à céder que Tula et Madero », soit les usines gérées par Air liquide et Linde.

Le directeur de Pemex s’en prend particulièrement à l’entreprise française : « Nous leur avons déjà payé plus de 49 millions de dollars, mais il reste encore quinze ans de contrat, ce qui nous amènera à payer 261 millions de dollars pour une usine pour laquelle nous avons reçu 52 millions de dollars. » Or, comme le souligne l’expert en énergie Ramses Pech, « aujourd’hui, Pemex a des difficultés financières, et la négociation pourra être compliquée avec Air liquide, selon les conditions inscrites dans le contrat. Dans tous les cas, ce décret va créer un précédent dans le secteur de l’énergie. Désormais, les entreprises qui concluent un contrat de service vont hésiter à s’associer à Pemex ».



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