A la Gaîté-Lyrique, des humoristes immigrés jouent les « dernières vannes avant l’expulsion »

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La gaité-lyrique, à Paris, le 13 juillet 2023.

« Ça fait dix ans que je suis en France, et j’ai tout fait pour m’intégrer, jure Geryy, de nationalité bulgare. Je regarde “Top Chef”, je suis au RSA [revenu de solidarité active] et je râle tout le temps. Je veux la nationalité française, avant le 7 juillet si possible » ; « Franchement, il y a des Arabes qui votent Rassemblement national [RN], fait mine de s’étonner Omar Dhobb, qui a grandi au Maroc. C’est comme quand t’es en train de perdre à FIFA. Tu te mets des buts contre ton camp. Foutu pour foutu… »

Mardi 2 juillet, à la salle de spectacles parisienne de la Gaîté-Lyrique, les vannes fusent. Il paraît que ce sont les « dernières avant l’expulsion ». C’est en tout cas sous cette formule que l’ONG Singa a organisé un « Newcomer Comedy Club », spécial élections. Une scène ouverte qu’ont animée sept humoristes immigrés une soirée durant, devant trois cents personnes. Sans contourner l’éléphant dans la pièce : le second tour de l’élection législative, dimanche 7 juillet, et la possible arrivée au pouvoir du RN, qui a fait de l’hostilité à l’immigration son principal argument électoral.

Ainsi, l’humoriste franco-sénégalaise Djinda Kane a rappelé les origines algériennes d’Eric Zemmour et (lointaines) de Jordan Bardella, et souligné à quel point « les racistes français doivent beaucoup à l’immigration ». Wary Nichen s’est amusé, lui, à composer un gouvernement d’extrême droite fictif, avec Eric Ciotti « ministre de l’intérieur des bureaux » – en référence à la période où il s’est enfermé au siège des Républicains, à Paris –, mais aussi Marion Maréchal « ministre des finances ton retour à domicile », réservant par ailleurs à Eric Zemmour un poste-clé de « chef d’escale à [l’aéroport] Orly-Sud ».

« Dire des choses qui font bugger »

« J’arrive pas à croire que quelqu’un qui doit gérer la croissance du pays n’a pas fini la sienne », a encore taclé cet humoriste « franco-américano-algérien » qui pratique la scène depuis une douzaine d’années, dans une allusion au jeune âge du président du RN, Jordan Bardella, 28 ans, et de l’actuel premier ministre, Gabriel Attal, 35 ans. « J’ai toujours fait de l’humour sur l’actualité mais, aujourd’hui, ça prend un sens différent, confie-t-il au Monde. Aux Etats-Unis, en France, il y a des enjeux importants. Et face à une situation grave, soit on s’enferme, soit on essaie de dédramatiser. »

« Je ne crois pas que Marine Le Pen a été financée par les Russes. Elle a perdu deux fois l’élection présidentielle, et elle est toujours en vie. C’est pas nous », a dégainé la stand-upeuse Tatiana, qui se moque de son intonation russe « un peu autoritaire » après seize ans en France.

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