
Histoire d’une notion. Que faire quand le système capitaliste va mal, mais n’en finit pas de mourir ? Ecraser le champignon, répondent en chœur les partisans des très controversées thèses accélérationnistes. Unis par une même croyance dans l’idée que l’intensification du développement technique et industriel précipitera l’avènement d’une nouvelle ère, les accélérationnistes ne s’entendent pourtant ni sur les causes de la crise actuelle, ni sur les moyens à employer pour prendre de la vitesse, ni sur la destination visée.
Car loin de constituer un concept stabilisé et appuyé sur de solides fondations théoriques, l’accélérationnisme est une notion aux contours flous et aux accents sulfureux née à la marge du monde académique et ayant essaimé bien au-delà.
Si l’idée puise ses racines dans des traditions anciennes et variées, les choses se précipitent en 2004 à la suite de la publication d’Accélération. Une critique sociale du temps, du sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa (La Découverte, 2010). Prolongeant les analyses des grands philosophes du temps du XXe siècle, comme Norbert Elias ou Paul Virilio, Hartmut Rosa propose de penser l’accélération – du développement technique, des modes de vie, du changement social et culturel – comme le « noyau » et l’essence même de la modernité.
« Renversement fécond »
Mais ce processus d’accélération, dit Hartmut Rosa, s’est « retourné » contre le projet politique moderne, et demande désormais que l’on y oppose des stratégies de décélération dans tous les domaines – en choisissant de quitter les grandes villes ou en faisant l’éloge de la lenteur, de la régulation de l’innovation, voire de la décroissance.
Comme une réponse à cette critique de la temporalité moderne, le « premier » accélérationnisme – qui s’appuie sur des travaux de Marx mais aussi de Gilles Deleuze et de Félix Guattari – « développe l’idée qu’il faudrait au contraire accélérer le processus de développement industriel pour, en accumulant les contradictions du capitalisme, amener à sa chute ou à son dépassement », relève Olivier Alexandre, sociologue et chercheur au CNRS.
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