la commission d’enquête indépendante commence l’audition des victimes

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Une vue de l’école Le Beau-Rameau, anciennement connue sous le nom d’institution Notre-Dame de Bétharram, à Lestelle-Bétharram, près de Pau, France, 21 février 2025.

La commission d’enquête indépendante sur le scandale de Bétharram, créée à l’initiative de la congrégation religieuse responsable de l’établissement scolaire catholique, a lancé lundi 23 juin un appel à témoignages et a commencé les auditions des victimes, à des fins d’indemnisation.

La congrégation des pères de Bétharram avait reconnu en mars sa « responsabilité » dans les violences physiques et sexuelles dénoncées par plus de 200 anciens élèves depuis un an et demi. Elle avait annoncé des mesures avec l’aide de l’Institut francophone pour la justice et la démocratie (IFJD), une ONG spécialisée dans la justice transitionnelle en zone de conflit. Elles comprenaient la mise en place d’une commission, portée par 12 commissaires référents et financée par les religieux à hauteur de 120 000 euros pour une mission de douze mois.

L’appel à témoignages s’adresse aux victimes qui ont déjà parlé ou porté plainte ou celles qui ne se seraient pas encore manifestées, mais aussi à toute personne ayant des informations à communiquer.

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« Fait social collectif »

La commission a pour champ d’action le vicariat français de la congrégation de Bétharram, ordre franco-italien qui compte 260 pères dans le monde, dont 32 dans le sud-ouest de la France. Le président de la commission, Jean-Pierre Massias, la compare aux commissions vérité et réconciliation créées dans les années 1980 en Argentine, après la dictature militaire, ou dans l’Afrique du Sud postapartheid. « Le but est d’essayer d’analyser une somme de violences individuelles comme un fait social collectif et d’être capable d’en tirer des enseignements », explique ce professeur de droit, qui préside aussi l’IFJD.

Lundi, le mouvement Scouts et guides de France a relayé l’appel à témoignages au regard des violences relatées par plusieurs victimes pendant des « camps scouts ». Selon lui, un groupe local, fondé par des membres de la congrégation et rattaché aux Scouts de France, a été « actif à partir de 1980 et au moins jusqu’en 1987 ». Un ancien surveillant de Bétharram, mis en examen en février pour viol et agression sexuelle, y est intervenu comme « animateur » en 1982-1983. Recueillir la parole des victimes est une manière de leur reconnaître un statut que la justice pénale, « entravée par la question de la prescription », ne peut leur octroyer, insiste Jean-Pierre Massias.

Pour Antoine Garapon, président de la Commission de reconnaissance et réparation (CRR) mise en place par l’Eglise depuis 2021, la justice restaurative permet une « authenticité » de la parole. « On endosse plus facilement ses responsabilités sans le côté brutal de la justice pénale », dit l’ancien magistrat.

« Opération de blanchiment »

Les auditions de victimes débutent lundi et se poursuivront avec celles de prêtres et d’auteurs de violences en juillet, puis entre septembre et décembre. En parallèle, un travail de classement des archives de la congrégation est entrepris avec un laboratoire du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) pour les mettre à disposition du public. La commission entend rendre son rapport dans un an mais n’écarte pas de proposer des mesures de réparation « avant Noël », « parce que c’est urgent ».

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Mais parmi les victimes, en proie aux dissensions ces dernières semaines, certaines dénoncent une « opération blanchiment ». « La justice doit demander des comptes à la congrégation qui est responsable de tout ça », assène l’ancien élève Marc Lacoste-Séris, qui a porté plainte dès les années 1990.

« On sait que les victimes vont être déçues, elles le sont toujours et ont raison de l’être, elles sont en colère », concède Jean-Pierre Massias. Mais « on est là pour blanchir personne. Ni la congrégation, ni François Bayrou ».

La question de la réparation s’annonce épineuse. Un audit doit évaluer les finances de la congrégation, mais « si l’on fait le calcul de tout ce qu’ils vont devoir payer, ils n’en ont pas les moyens », prévient le président de la commission. Dix-neuf victimes de violences sexuelles prescrites perpétrées par des religieux, reconnues par la CRR, ont déjà été indemnisées à hauteur de 700 000 euros, soit 60 % des finances bétharramites, selon Laurent Bacho, prêtre chargé du sujet.

La CRR ne prend pas en compte les victimes de laïcs, que les pères de Bétharram ont dit vouloir indemniser grâce à « la vente de quelques biens immobiliers ». Mais face au « principe moral d’indemnisation de toutes les victimes de manière égale », Jean-Pierre Massias invoque la piètre valeur desdits biens. Et, selon lui, « il ne serait pas scandaleux d’envisager que l’Etat assume une partie des responsabilités, tout comme l’enseignement catholique », Bétharram étant sous contrat.

Le Monde avec AFP

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