
Les cancers constituent un enjeu majeur de santé publique. Avec plus de 400 000 nouveaux cas chaque année en France, leur fréquence ne cesse d’augmenter dans certaines populations, notamment chez les jeunes. Il est donc pleinement justifié que la lutte contre le cancer soit érigée en priorité de santé publique, et qu’elle donne lieu à des initiatives ambitieuses.
Mais cet impératif ne doit pas conduire à multiplier les dispositifs sans cohérence ni vision stratégique. La création d’un registre national du cancer, adoptée à l’unanimité au Sénat (2023) et par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, soulève des interrogations : sur son efficacité, ses délais de mise en œuvre, son coût, et sa pertinence face aux outils déjà disponibles.
Un registre, au sens strict, implique la collecte active d’informations individuelles sur tous les cas d’une maladie dans une zone donnée, à des fins de surveillance et de recherche. Il mobilise de nombreuses sources (hôpitaux, laboratoires, anatomopathologie, etc.), des équipes dédiées, et un processus rigoureux de validation des cas. Ce n’est qu’après plusieurs années de collecte et de validation de l’information que le travail de santé publique et de recherche peut vraiment commencer. Ce sont des outils lourds, pensés à une époque où les systèmes numériques de santé n’étaient pas encore disponibles ou interconnectés.
Or, la France dispose, depuis 2006, du système national des données de santé (SNDS), qui rassemble de manière continue, passive et sécurisée, des données individuelles anonymes sur l’ensemble de la population : hospitalisations, prescriptions, remboursements. C’est un outil opérationnel de coût marginal très faible pour la recherche et la surveillance. Le SNDS est aujourd’hui la plus grande base médico-administrative de santé au monde. C’est un véritable trésor national, sous-exploité, dont le potentiel pour le pilotage de la santé publique est immense.
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