mettre fin à la discrimination liée à l’âge

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Travailler plus longtemps ? Encore faut-il en avoir la possibilité. Les injonctions à repousser l’âge de départ à la retraite se multiplient pour s’adapter à l’évolution démographique et maintenir la soutenabilité du financement du système par répartition. Mais, si les réformes successives ont permis d’améliorer mécaniquement le taux d’emploi des 55-64 ans, elles sont loin d’avoir résolu le sujet du maintien dans l’emploi jusqu’à l’âge légal de départ.

De nombreux salariés âgés sont confrontés à ce paradoxe : alors qu’ils doivent prendre leur retraite de plus en plus tard, les plus de 50 ans continuent à subir une discrimination à l’embauche et beaucoup d’entre eux peinent à rester sur le marché du travail jusqu’au moment où ils pourront toucher leur pension à taux plein.

Le vieillissement de la population française doit pousser à faire évoluer la place des seniors au sein de l’entreprise. Au-delà de la gestion des fins de carrière et de l’accompagnement de la pénibilité se pose également la question des salariés qui sont sortis du marché du travail dans la dernière partie de leur carrière et qui doivent affronter les réticences des entreprises à les recruter au profit de plus jeunes.

De nombreux a priori

Après un licenciement ou l’échec d’une réorientation de carrière, comme une création d’entreprise, les salariés de plus de 50 ans se heurtent à un mur du recrutement du simple fait de leur âge. Le phénomène freine les envies de mobilité professionnelle, mais surtout, pour ceux qui perdent leur emploi, cette discrimination est souvent synonyme de précarité. Trop jeunes pour être à la retraite, mais trop âgés pour être employables, ils sont obligés de basculer vers le chômage, voire les minima sociaux.

Une employée de l’usine de tricot Saint-James, dans la Manche, le 22 mai 2025.

Comme l’indique le « Baromètre Landoy de la France qui vieillit », réalisé avec l’Ifop et publié en novembre 2024, l’emploi des seniors fait encore l’objet de nombreux a priori. Ils seraient réticents aux changements, moins aptes à s’adapter aux outils numériques, plus facilement fatigables et, pour les employeurs, ils coûtent trop cher. Bref, les clichés ont la vie dure, à tel point que l’âge est perçu comme la plus importante source de discrimination par les Français, plus que le handicap ou la nationalité.

Ce ressenti découle directement des pratiques des entreprises, qui sont favorables au report de l’âge de la retraite, mais qui préfèrent embaucher des jeunes. Les recrutements se font de plus en plus par le biais d’algorithmes programmés pour repérer les critères qui trahissent l’âge, conduisant à filtrer les candidats les plus jeunes. Même s’ils arrivent à passer ce premier obstacle, les seniors doivent ensuite surmonter les réticences des services de ressources humaines qui reproduisent la même grille de sélection.

Ces pratiques sont incohérentes avec la logique consistant à repousser l’âge de départ. Si l’on veut que les Français travaillent plus longtemps, il est indispensable de lever les barrières à l’embauche que rencontrent les seniors en corrigeant les biais introduits dans les algorithmes de recrutement, voire en instaurant des quotas en fonction de l’âge.

Les mentalités vis-à-vis des seniors ne doivent pas changer par principe, mais par nécessité. Dans dix ans, la majorité de la main-d’œuvre sera constituée par les plus de 45 ans, et la baisse du nombre de jeunes diplômés va provoquer une pénurie de talents. Se priver de l’expérience est un luxe dont nous n’avons plus les moyens.

Le Monde

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