le Sénat approuve à son tour la notion de non-consentement de la victime

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Le Sénat lors d’un vote à Paris, en octobre 2023.

La définition du viol dans le code pénal est sur le point de changer. Le Sénat a donné son accord, mercredi 18 juin en soirée, pour y intégrer la notion de non-consentement de la victime, actant l’émergence, après le vote de l’Assemblée nationale en avril, d’un consensus parlementaire sur ce débat juridique sensible.

Initiée par les députées Véronique Riotton (Renaissance) et Marie-Charlotte Garin (Les Ecologistes) après une longue mission d’information parlementaire, la proposition de loi transpartisane a franchi très largement cette étape cruciale à la chambre haute avec une adoption à l’unanimité, malgré quelques abstentions venues notamment des rangs communistes.

Seules quelques divergences mineures subsistent dans les rédactions adoptées par les députés et par les sénateurs, ouvrant la voie à une adoption définitive dès les prochaines semaines ou les prochains mois au Parlement, après convocation d’une commission mixte paritaire réunissant députés et sénateurs priés d’aboutir à un texte commun.

Quelques mois après le retentissant procès des viols de Mazan, durant lesquels le consentement avait pris une place centrale, le droit pénal pourrait donc prochainement se voir clarifié en comportant, noir sur blanc, cette notion.

Une « avancée législative majeure », selon Aurore Bergé

La ministre de l’égalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, s’est satisfaite devant le Sénat d’un « pas décisif vers une véritable culture du consentement ». Une « avancée législative majeure », a-t-elle ajouté, qui permettra de réaffirmer que « consentir, ce n’est pas dire non » mais « dire oui, un oui explicite, libre, sans contrainte ni ambiguïté ».

Ce texte « répond à un tabou. Il brise le silence. Il nomme ce que des victimes ont vécu, dans l’incompréhension et parfois la solitude », a, pour sa part, salué le ministre de la justice, Gérald Darmanin.

La proposition de loi redéfinit dans le code pénal l’ensemble des agressions sexuelles, dont le viol, comme « tout acte sexuel non consenti ». Selon le texte voté dans les deux chambres du Parlement, ce consentement doit être « libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable » et « ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime ».

Enfin, il précise qu’« il n’y a pas de consentement si l’acte à caractère sexuel est commis avec violence, contrainte, menace ou surprise », quatre modalités déjà présentes dans le code pénal, mais parfois restrictives, ce qui explique la volonté de faire évoluer la définition du viol.

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Comme l’expliquait, dans un entretien au Monde, Catherine Le Magueresse, ex-présidente de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, « les magistrats se retrouvent dans l’incapacité de condamner de nombreux cas de violences sexuelles, qui échappent à ces quatre circonstances [violence, contrainte, menace ou surprise]. Ainsi des cas où la victime a dit “non”, mais ne s’est pas débattue et a subi l’agression. Ainsi des cas où la victime était sidérée ou paralysée et n’a rien dit ».

« Cela permet d’établir une loi claire, compréhensible par tous, qui préservera les acquis de notre droit pénal », explique, à l’Agence France-Presse, la sénatrice Elsa Schalck (Les Républicains), désignée corapporteure sur ce texte.

Débats et inquiétudes autour de la charge de la preuve

Ce consensus émergeant semblait pourtant loin d’être évident il y a encore quelques mois, face à d’importantes réticences de juristes, parlementaires et même de certaines associations féministes, malgré l’omniprésence de cette notion dans la jurisprudence.

Principale crainte : le risque d’une inversion de la charge de la preuve qui obligerait les plaignantes à devoir prouver qu’elles ne sont pas consentantes ou encore la possible « contractualisation » des rapports sexuels induite par le texte.

« Lors de leur procès, nombreux sont les hommes accusés de viol qui affirment ne pas savoir que l’acte sexuel qu’ils ont imposé n’était pas consenti (…) Ne risquons-nous pas ici de donner raison aux violeurs en légitimant leur ignorance ? », s’est interrogée la sénatrice communiste, Silvana Silvani. A l’inverse, plusieurs sénatrices socialistes ont tenté, sans succès, d’aller plus loin en intégrant, par exemple, le fait que le consentement ne peut être déduit de « l’échange d’une rémunération » ou d’un « contrat préalable ».

Mais la grande majorité des élus a été rassurée par la rédaction proposée, issue notamment d’un avis du Conseil d’Etat rendu début mars. « Ce texte ne crée pas une preuve impossible. Il ne contractualise pas la sexualité, il ne remet en aucun cas en cause l’indispensable présomption d’innocence », a insisté Gérald Darmanin, au Sénat.

Si cette loi venait prochainement à être définitivement adoptée, la France rejoindrait plusieurs pays ayant déjà introduit la notion de consentement ou de non-consentement à leur législation sur le viol, comme la Suède, l’Espagne et plus récemment la Norvège.

Lire aussi l’analyse (2024) | Article réservé à nos abonnés Introduire le consentement dans la définition du viol : piège ou avancée ?

Le Monde avec AFP



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