« Seule l’aide militaire massive à Kiev permettrait une solution diplomatique rapide »

| 3 371

Le 20 mars 2023 est parue dans Le Monde une tribune intitulée « N’ayons pas la naïveté et l’imprudence de croire que les armes suffiront à apporter la solution, renforçons la diplomatie ! » et signée par 287 soutiens universitaires. Cette tribune reprend les points principaux des thèses pacifistes classiques concernant la guerre en Ukraine : appel à diminuer l’aide militaire à l’Ukraine, à ne pas faire parvenir d’armes « plus puissantes » à Kiev car celles-ci seraient source « d’escalade des tensions », et à « réarmer la diplomatie » pour favoriser l’émergence d’un accord de paix.

Bien que se réclamant d’une posture « réaliste », cette tribune ne repose sur aucun fait ou argument scientifique. L’unique référence citée dans la tribune est une autre pièce d’opinion émanant d’un philosophe célèbre. En réalité, l’argumentaire développé repose sur plusieurs raisonnements qui nous paraissent problématiques.

Premièrement, la tribune fonde son argumentaire sur une considération « réaliste », contre la « naïveté » des appels à armer l’Ukraine. Pourtant, les auteurs ne cessent de nier la réalité même du conflit. Leur position voudrait qu’un cessez-le-feu immédiat soit plus économe en vies humaines qu’une prolongation du conflit.

De nombreux paramètres

Mais quelles données leur permettraient de soutenir une telle affirmation ? Difficile à dire, puisque la tribune ne considère que le nombre de décès actuels, ou projetés dans des comparaisons historiques douteuses. Une approche réellement réaliste devrait comparer le résultat de différents scénarios à long terme, puis estimer un nombre de vies perdues relativement dans chaque scénario afin d’établir un nombre de vies « seuil » à partir duquel il faudrait cesser les combats.

Cette estimation est complexe et doit prendre en compte de nombreux paramètres. Tout d’abord, de quel accord de paix est-il question ? Combien de millions de citoyens ukrainiens se trouveraient alors en territoires occupés russes ? Combien de déportations de civils ? Combien de déportations d’enfants − 16 000 au dernier décompte ? Combien d’exécutions, de morts par torture en zones occupées, signes d’une intention génocidaire déjà reconnue par certains pays occidentaux ? Avec quelles conséquences économiques et sanitaires ? Pour quel taux de pauvreté, de maladies infectieuses, d’homicides, de suicides, d’alcoolisme, de fécondité (non-naissances dues à une baisse du niveau de vie), quelle espérance de vie moyenne ? Cela comparé à ces mêmes zones si elles faisaient partie d’une Ukraine européenne ? Multipliés par combien de décennies ? Combien de morts dans de futurs conflits encouragés par une victoire partielle russe ?

Il vous reste 64.58% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source link