Sur le littoral syrien, la saison estivale minée par la crise économique

| 2 310


En remontant l’avenue Côte-d’Azur depuis le centre-ville de Lattaquié jusqu’à la Plage bleue, il y a comme un avant-goût de vacances. Les palmiers défilent sur plusieurs kilomètres. La vue sur la mer est obstruée par les hauts murs des complexes balnéaires. Chaque été, les plages privatisées et les hôtels au lustre terni de Lattaquié accueillent la jeunesse dorée syrienne, des touristes de la région et même des officiers russes, postés dans la base aérienne de Hmeimim ou la base navale de Tartous, en quête de farniente, de sorties en Jet-Ski et de soirées arrosées.

Devant l’hôtel Côte d’Azur de Cham, qui a eu jadis ses heures de gloire, les vendeurs de matelas pneumatiques et de souvenirs attendent les vacanciers. Le soleil est presque au zénith, le thermostat dépasse les 30 °C. Cet été, les touristes irakiens, jordaniens et koweïtiens sont les plus nombreux. Ils ont profité de la réouverture du poste-frontière de Nassib, entre la Jordanie et la Syrie, et de l’exemption de visa, pour rejoindre le littoral syrien. Les Syriens sont aussi au rendez-vous, mais moins nombreux qu’à l’ordinaire du fait de la flambée des prix de l’essence.

« Ici, on est libres »

Vêtue d’une combinaison pantalon en gaze framboise et parée de bijoux en or, Lynn (comme les autres témoins cités, elle n’a pas souhaité donner son nom, et son prénom a été modifié) fait quelques achats avec ses deux jeunes enfants. La quadragénaire est venue de Hama, à 120 kilomètres à l’est, avec son mari et un couple d’amis, pour passer quatre jours dans le complexe balnéaire. D’ordinaire, ils y restent une semaine, mais la crise économique n’épargne plus personne. Avec son salaire d’enseignante de sciences – 450 000 livres syriennes (LS), environ 31 euros par mois –, Lynn peut à peine payer l’essence pour faire l’aller-retour. Une seule nuit dans l’hôtel coûte quatre fois son salaire.

« Heureusement que mon mari gagne des dollars avec son entreprise au Nigeria », confie-t-elle. Le poste d’expatrié de son époux leur permet de continuer à s’offrir ce court intermède annuel dans la station balnéaire, un plaisir réservé à une infime minorité de Syriens. « Ici, la mer est belle et, surtout, on peut porter ce que l’on veut. On est libres, les gens sont bien et ne nous dévisagent pas », explique-t-elle. Une façon de dire que le bikini est la norme au Côte d’Azur de Cham.

Scène de vie sur la plage, à Tartous (Syrie), à l'été 2024.

Sur les plages plus populaires qui émaillent la côte entre Lattaquié et Tartous, peu de femmes sont en maillot de bain. Les hommes et les enfants sont souvent les seuls à se baigner. Les femmes en tenue légère évitent aussi d’arpenter les corniches du centre-ville de Lattaquié et de Tartous, où les familles viennent profiter le soir de l’air marin, avec un narguilé et quelques victuailles. Il y a parmi elles beaucoup de déplacés de la guerre civile qui n’ont jamais pu rentrer chez eux, des familles pauvres ou riches venues des campagnes plus conservatrices d’Alep et d’Idlib.

Il vous reste 62.55% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Source link